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Cour administrative d’appel de Lyon, 2ème ch. formation à 3, arrêt du 14 janvier 2019 n°18LY01501. MIE mauritanien pris en charge à l’ASE à 16 ans. Scolarisé depuis son arrivée. Suit une formation qualifiante. Bénéficie d’une APJM. Sollicite TS "étudiant" ou "travailleur temporaire" sur L.313-15. Décision de refus TS + OQTF sous 30 jours. Le Préfet fait valoir des résultats scolaires médiocres et un comportement dissipé. Le requérant produit en appel des documents qui, bien que postérieurs, rendent comptent de faits antérieurs à la décision : motivation, insertion, potentiel de réussite, gain en autonomie. Le Préfet s’est fondé sur des considérations anciennes devenues erronées à la date de la décision. Le fait qu’il soit titulaire d’un TS espagnol périmé, potentiellement renouvelable, et qu’il ne soit pas dépourvu de liens avec sa famille restée au pays d’origine ne suffit pas à justifier du refus de TS. Erreur manifeste d’appréciation justifiant l’annulation. Enjoint au préfet de délivrer un récépissé valant APS dans un délai de 2 semaines et un TS en qualité de jeune majeur dans un délai de 2 mois.

Publié le : mercredi 30 janvier 2019

Source : Cour administrative d’appel de Lyon, 2ème ch., formation à 3

Date : arrêt du 14 janvier 2019, n°18LY01501

Extraits :

«  3. Lorsqu’il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et dix-huit ans et qu’il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d’un large pouvoir d’appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française.

4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour à M. C sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de l’Yonne a estimé que le sérieux dans le suivi de la formation n’était pas démontré. Il ressort des pièces du dossier que M. C, entré régulièrement en France, via l’Espagne fin septembre 2014, à l’âge de seize ans, confié à l’aide sociale à l’enfance de Paris le 1er octobre 2014 en tant que recueilli provisoire, confirmé par jugements régulièrement renouvelés, le dernier en date du 9 juillet 2015, a été scolarisé au collège de Sens pour apprendre le français en 2014-2015 puis en quatrième " enseignement agricole " en alternance avec un stage au services espaces verts de la mairie de Paron au titre de l’année scolaire 2015-2016. Le préfet de l’Yonne s’est fondé sur la circonstance que les bulletins scolaires produits par M. C au titre de l’année 2015-2016 faisaient apparaître des résultats scolaires très médiocres et un comportement dissipé pendant les heures de cours bien qu’il soit passé en classe préparatoire au CAP horticole en 2016/2017, et que " le bulletin produit pour le 1er trimestre démontre une plus grande implication dans les études mais également des efforts inconstants et un comportement instable ". Le préfet s’est également fondé sur le fait qu’en dépit de la " note socio-éducative " d’octobre 2017 dont le requérant se prévaut faisant état de résultats " encourageants " au 2ème semestre 2016/2017, le demandeur n’avait produit aucun bulletin de notes au titre de cette période.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par décision du 29 septembre 2016, le conseil départemental de Paris lui a accordé, après entretien, un contrat jeune majeur d’accompagnement éducatif en soutien du projet d’insertion valable jusqu’au 31 décembre 2018 axé sur l’obtention du diplôme et l’accès à l’hébergement autonome. Le requérant produit en appel, outre un certificat de scolarité en date du 16 janvier 2018 attestant qu’il poursuit une formation de CAP horticole, les bulletins de notes des trois trimestres 2016-2017 ainsi qu’un " rapport d’évolution " daté du 25 juillet 2017 qui bien que postérieur rend compte de faits antérieurs à la décision attaquée. Ces documents attestent que M. C, malgré des difficultés de concentration, démontre une réelle motivation et un réel investissement dans sa formation ainsi qu’un potentiel de réussite et une bonne insertion sociale ainsi qu’un gain en autonomie. Dans ces conditions, en estimant que l’intéressé ne démontrait pas le sérieux des études poursuivies, le préfet s’est fondé sur des considérations de fait anciennes devenues erronées à la date de sa décision. La circonstance que M. C est titulaire d’un titre de séjour espagnol périmé depuis le 13 juillet 2015, mais potentiellement renouvelable automatiquement, et qu’il ne serait, par ailleurs, pas dépourvu de liens avec sa famille restée dans le pays d’origine, ne suffit pas à justifier le refus de l’autorité administrative de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour en tant que jeune majeur afin qu’il puisse achever sa formation. Par suite, M. C est fondé à soutenir qu’en prenant la décision attaquée, le préfet de l’Yonne a entaché son refus d’une erreur manifeste d’appréciation justifiant son annulation.

6. Par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le préfet de l’Yonne l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination doivent être annulées.

9. Eu égard aux motifs qui la fondent, l’exécution de l’annulation prononcée implique nécessairement que le préfet de l’Yonne délivre un titre de séjour en qualité de jeune majeur à M. C dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

10. Il y a également lieu, en application de l’article L. 512-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’enjoindre au préfet de l’Yonne de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines.  »

Retrouvez l’arrêt en version pdf ci-dessous :

CAA_Lyon_140119_n°18LY01501