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Tribunal administratif de Paris, juge des référés, ordonnance du 19 novembre 2019 n°1923963/6.2. MIE ivoirien confié à l’aide sociale à l’enfance à l’âge de 15 ans. A la suite d’un examen d’âge osseux, le Juge des enfants a prolongé son placement jusqu’à la date présumée de sa majorité, en retenant comme date anniversaire le jour de réalisation de l’examen et comme année de naissance 2001 au lieu de 2002. Compte tenu de l’approche de sa présumée majorité, et dans l’attente de la rectification de son état civil par le Juge des enfants au regard de ses documents d’état civil, M.X a sollicité une aide provisoire jeune majeur laquelle lui a été refusée. Le Tribunal relève qu’il est mis fin à toute prise en charge (mineur et jeune majeur de moins de 21 ans) alors même que M.X est en cours d’année scolaire et qu’il justifie de son assiduité, de sa motivation et de ses bons résultats, qu’il est isolé, sans attache familiale sur le territoire français, dépourvu de toutes ressources et sans domicile, confronté à des difficultés susceptibles de compromettre gravement l’équilibre auquel sa prise en charge pendant sa minorité avait contribué et de mettre en danger sa santé, sa sécurité et sa moralité. Il est au nombre des jeunes de moins de 21 ans auxquels il incombait de proposait au delà du terme de la mesure un accompagnement adapté. Le Conseil départemental a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; il est enjoint de proposer sous trois jours un accompagnement adapté.

Publié le : vendredi 31 janvier 2020

Source : Tribunal administratif de Paris, juge des référés

Date : ordonnance du 19 novembre 2019 n°1923963/6.2

Extraits :

« 4. D’une part, il résulte des dispositions précitées qu’il incombe à l’autorité en charge de l’aide sociale à l’enfance de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance ainsi que, dans certaines circonstances, des majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. D’autre part, en vertu du dernier alinéa de l’article L.222-5 du code de l’action sociale et des familles, il incombe également à cette autorité, afin d’éviter des ruptures dans le parcours scolaire des jeunes majeurs, de proposer à ces derniers, lors de leur sortie des dispositifs de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, un accompagnement pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire en cours. Cet accompagnement, qui n’implique pas nécessairement la prise en charge du jeune majeur par l’aide sociale à l’enfance et peut résulter de la mobilisation d’autres dispositifs d’aide, doit permettre à l’intéressé de bénéficier de conditions matérielles suffisantes pour ne pas interrompre une formation débutée sous la protection de l’aide sociale à l’enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur l’autorité en charge de l’aide sociale à l’enfance lorsqu’un mineur, ou, dans les circonstances précédemment évoquées, un majeur de moins de vingt et un ans est sans abri et privé de la protection de sa famille et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de ces obligations porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée.

5. M. X ressortissant ivoirien déclarant être né le 12 octobre 2002, est entré en France en janvier 2018. Par une ordonnance de placement provisoire en date du 12 février 2018, le procureur de la République a confié l’intéressé à l’aide sociale à l’enfance de Paris. Au vu d’un rapport d’examen d’âge physiologique réalisé le 22 mars 2018, le tribunal pour enfants de Paris a jugé que le placement de M.X à l’aide sociale à l’enfance de Paris serait maintenu jusqu’au 22 mars 2019, âge présumé de sa majorité, et qu’un rapport serait adressé au tribunal un mois au plus tard avant l’issue de la mesure. Après avoir obtenu un extrait du registre des actes de l’état civil indiquant qu’il était né le 12 octobre 2002 à Daloa-ville en République de Côte d’Ivoire, le requérant a transmis ce document, le 2 juillet 2018, au tribunal de grande instance de Paris, en vue d’une expertise documentaire. (...) Il a toutefois demandé, par courrier réceptionné le 28 janvier 2019 par la Ville de Paris, à bénéficier, malgré sa minorité, de l’aide provisoire jeune majeur dans l’attente de la rectification de son état civil par le juge des enfants. Le 18 juin 2019, M. X a été convoqué devant le juge des enfants, qui, aux dires de l’intéressé, n’aurait pas encore notifié son jugement. Enfin, par une décision du 19 septembre 2019 notifiée le 2 octobre suivant, la direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé de la Ville de Paris a rejeté la demande de l’intéressé tendant à sa prise en charge dans le cadre d’une mesure d’accueil provisoire jeune majeur pour le motif suivant : "Il ressort de l’examen des éléments de votre situation que vous ne disposez d’aucun document permettant d’attester votre identité et que vous contestez le fait d’être majeur."

6. Le 14 octobre 2019, M. X a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation contre la décision du 19 septembre 2019 ainsi que d’un référé suspension qui a été rejeté par une ordonnance du 30 septembre suivant au motif que la condition d’urgence n’était pas caractérisée, dès lors que la décision contestée n’avait pas pour objet de mettre fin à toute prise en charge de l’intéressé par l’aide sociale à l’enfance mais se bornait à rejeter la demande présentée dans le cadre d’une mesure d’accueil provisoire jeune majeur. Par un courriel du 31 octobre 2019, le conseil du requérant a alors demandé au service des mineurs de l’aide sociale à l’enfant (service éducatif auprès des mineurs non accompagnés ou "SEMNA") s’il entendait maintenir la prise en charge de M. X en qualité de mineur. Le 4 novembre 2019, M. Savariau, chef du bureau de l’accompagnement vers l’autonomie et l’insertion, lui répondait que, sauf décision de justice contraire, M. X ne serait pas pris en charge par ses services. Il résulte de l’instruction que le requérant est scolarisé au Lycée professionnel (...) où il prépare un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) mention "électricien" et que ses enseignants soulignent son assiduité, sa motivation et ses bons résultats. Par ailleurs, il est constant que M.X est isolé, sans attache familiale sur le territoire français, dépourvu de ressources et sans domicile. Dans ces conditions, l’intéressé est au nombre des jeunes majeurs auxquels il incombait aux services compétents de proposer au delà du terme de sa prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance un accompagnement adapté à ses besoins et propre à lui permettre de poursuivre son cursus d’insertion professionnelle. Si cet accompagnement pouvait revêtir toute forme utile et n’impliquait pas par lui-même une prise en charge de l’intéressé par le service de l’aide sociale à l’enfance au titre du contrat jeune majeur, il résulte de l’instruction que M.X ne s’est pas proposer aucun accompagnement à l’issue de sa prise en charge.

7. Il s’ensuit que cette carence a pour conséquence que M.X se retrouve sans ressources et dépourvu d’hébergement. Il est ainsi confronté à des difficultés susceptibles de compromettre gravement l’équilibre auquel sa prise en charge pendant sa minorité avait contribué et de mettre en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité.

8. Il résulte de ce qui précède que la carence de la Ville de Paris porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant qu’il soit enjoint à la Ville de Paris de proposer à M. X dans un délai de trois jours à compter de la notification de la présente ordonnance, un accompagnement comportant un logement et lui permettant de poursuivre son projet d’accès à l’autonomie en y associant les institutions et organismes pour élaborer une réponse adaptée à ses besoins afin de lui permettre d’achever son parcours d’insertion professionnelle jusqu’à la fin de l’année scolaire. »

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Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Paris_19112019_n°1923963/6-2