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Cour administrative d’appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, Arrêt du 6 novembre 2018 N° 17LY03838, MIE Côte d’ivoire, présentant une attestation d’identité, certificat de nationalité, extrait registre état civil et un passeport établi sur la base de ces documents, pris en charge par l’ASE de la Loire, scolarisé 6 mois en classe adaptée aux non francophones "le préfet de la Loire se fonde sur le fait que l’extrait du registre et le certificat de nationalité sont des documents falsifiés, (...) sur les déclarations contradictoires de l’intéressé lors de son audition et sur l’examen osseux (...) Dans ces conditions, il ne ressort pas de l’ensemble des éléments du dossier que le préfet se serait mépris sur sa majorité (...) L’intéressé n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales en Côte d’Ivoire (...)" La décision du préfet délivrant l’OQTF ne méconnaît donc pas les dispositions du CESEDA

Publié le : mercredi 14 novembre 2018

Source : Cour administrative d’appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3

Date : Arrêt du 6 novembre 2018 N° 17LY03838

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C B a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d’éloignement forcé à l’expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1705874 du 19 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2017, M. C B, représenté par Me A, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 octobre 2017 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet de la Loire du 17 juillet 2017 ;

3°) d’enjoindre à l’administration de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans un délai de huit jours à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son avocat d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sous réserve de renonciation à percevoir l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision l’obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette obligation méconnaît le principe général du droit de l’Union européenne à être entendu avant toute décision défavorable ;

- elle est entachée d’erreur de fait et a été prise en méconnaissance du 1° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, puisqu’il est mineur ;

- elle a été prise en méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Le préfet de la Loire a produit un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2018, qui n’a pas été communiqué.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 21 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant de la République de Côte d’Ivoire, est entré en France en novembre 2016 où il a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du département de la Loire en qualité de mineur isolé. Estimant qu’il était majeur, le préfet de la Loire l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours par arrêté du 17 juillet 2017 et a désigné le pays de renvoi en cas d’éloignement forcé. M. B relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l’arrêté attaqué :

2. En premier lieu, M. B réitère en appel son moyen selon lequel la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait insuffisamment motivée. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, M. B a été auditionné le 9 mai 2017 par les services de police, qui l’ont informé qu’ils mettaient en œuvre une procédure de vérification des documents produits et à l’occasion de laquelle l’intéressé a fait état des conditions de son arrivée en France et des motifs pour lesquels il entendait y séjourner. Le requérant a ainsi été mis à même de présenter utilement ses observations avant l’intervention de la décision d’éloignement en litige.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : / 1°L’étranger mineur de dix-huit ans ; () ". Aux termes de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil. ". Et aux termes de l’article 47 du code civil : " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

5. Pour sa prise en charge en qualité d’étranger mineur, M. B se prévaut d’une attestation d’identité délivrée le 17 août 2016, d’un certificat de nationalité ivoirienne en date du 4 août 2016 réalisé à partir de la carte d’identité de sa mère et non produit, d’un extrait du registre des actes d’état civil délivré le 1er août 2016 à partir de la transcription d’un jugement supplétif établi le 11 juillet 2016 qui n’est pas en possession de l’intéressé, ainsi que d’un passeport établi le 19 juillet 2017 sur la base des documents précédemment énumérés. Le préfet de la Loire se fonde sur le fait que l’extrait du registre d’état civil et le certificat de nationalité produits par l’intéressé sont des documents falsifiés, sur les déclarations contradictoires de l’intéressé lors de son audition et sur le fait que l’examen osseux et dentaire pratiqué par des experts médicaux près le tribunal de grande instance de Saint-Etienne indique qu’il serait âgé de vingt ans plus ou moins un an. Dans ces conditions, il ne ressort pas de l’ensemble des éléments du dossier qu’en décidant d’obliger M. B à quitter le territoire français, le préfet de la Loire se serait mépris sur sa majorité. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision en litige, M. B, célibataire, séjournait, depuis dix mois en France, où il a suivi une scolarité en classe adaptée aux non-francophones entre janvier et juin 2017. L’intéressé n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales en Côte d’Ivoire, où il a passé la majeure partie de son existence. Par suite, et eu égard à ses conditions d’entrée et de séjour en France, la mesure d’éloignement en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations précitées. Cette décision ne saurait davantage être regardée, au regard de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant, comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de cette situation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d’injonction et d’astreinte ainsi que celles tendant à ce qu’il soit fait application, au bénéfice de son avocat, des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er :La requête de M. B est rejetée.

Article 2 :Le présent arrêt sera notifié à M. C B et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

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