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Tribunal administratif de Marseille – Ordonnance n°2308684 du 22 septembre 2023 – Référé liberté – Fin d’APU sans qu’il ne soit procédé à l’évaluation de la minorité et de l’isolement - Le département ne peut fonder sa décision de refus de prise en charge sur la seule correspondance au sein du fichier VISABIO – Le département est enjoint d’organiser l’APU et d’évaluer la situation de l’intéressé

Publié le : vendredi 17 novembre 2023

Résumé :

L’intéressé, se déclarant mineur et isolé, a fait l’objet d’un accueil provisoire d’urgence (APU) auquel le département a mis fin au regard de la seule correspondance au sein du fichier VISABIO pour une demande de visa sous une identité majeure, et ce sans procéder à l’évaluation de sa minorité et de son isolement.

Le juge des référés rappelle que la faculté du département d’interroger un tel fichier dans le cadre des investigations visant à évaluer la minorité et l’isolement (art. R.221-11 du CASF), ne modifie pas l’étendue de ses obligations en matière d’APU, ni sa compétence pour procéder à une évaluation sur la base d’un faisceau d’indices. Le président d’un département n’est ainsi pas autorisé à fonder sa décision sur le seul refus de l’intéressé de fournir les informations nécessaires à la consultation ou au renseignement de ces fichiers, ni sur le constat qu’il serait déjà enregistré dans l’un d’eux. En se fondant sur ce seul motif, le département ne peut être regardé comme ayant procédé aux investigations en vue d’évaluer sa situation telles que prévue par le II de l’art. R.221-11 du CASF. Dès lors, son appréciation sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée.

En ne poursuivant pas son APU, le département a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence.

Il est donc enjoint d’organiser l’APU de l’intéressé et de procéder à l’évaluation de sa situation.


Extraits de l’ordonnance :

« […].

10. Il appartient toutefois au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

11. Il résulte de l’instruction que M. A se déclarant mineur, né le [...] 2007, de nationalité nigériane, non accompagné a, le 30 juin 2023, fait l’objet d’un accueil provisoire d’urgence par le département des Bouches-du-Rhône. Par décision du 5 juillet 2023, la présidente du conseil départemental a classé sans suite sa demande tendant à son admission au bénéfice de la protection de l’enfance. M. A demande qu’il soit d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, au département des Bouches-du-Rhône de le réintégrer dans le dispositif d’accueil d’urgence.

12. Afin de refuser le bénéfice à M. A de la protection de l’enfance, la présidente du conseil départementale des Bouches-du-Rhône s’est fondé sur la majorité de l’intéressé dès lors que celui-ci a, sous l’identité de [...] né le 16 mars 2001 à [...], au Nigeria, obtenu un visa au consulat de Grèce à Abuja, au Nigeria.

13. Or, d’une part, la faculté prévue par l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles, dans le cadre des investigations nécessaires qu’il procède en vue d’évaluer la situation de la personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, de s’appuyer sur les informations émanant du préfet du département afin de contribuer à celles-ci, notamment d’interroger le fichier automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers sollicitant la délivrance d’un visa ou " VISABIO " ne modifie pas l’étendue des obligations du président du conseil départemental en ce qui concerne l’accueil provisoire d’urgence des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, non plus que sa compétence pour évaluer, sur la base d’un faisceau d’indices, leur situation, notamment quant à leur âge, et ne l’autorise pas à prendre une décision qui serait fondée sur le seul refus de l’intéressé de fournir les informations nécessaires à l’interrogation ou au renseignement des traitements mentionnés ci-dessus, ni sur le seul constat qu’il serait déjà enregistré dans l’un d’eux. En se fondant sur le seul motif tiré de la délivrance d’un visa sous l’identité de [...] C né le 16 mars 2001 à [...], au Nigeria au consulat de Grèce à Abuja, au Nigeria pour estimer que le requérant était majeur, en l’absence d’autre élément sur sa situation, la présidente de conseil départemental des Bouches-du-Rhône ne peut être regardée comme ayant procédé aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement, telles que prévues par le II de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles. Dès lors, l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée.

14. D’autre part, hormis le cas où la personne qui se présente ne satisfait manifestement pas à la condition de minorité, un refus d’accès au dispositif d’hébergement et d’évaluation mentionné précédemment, opposé par l’autorité départementale à une personne se disant mineur isolé, est ainsi susceptible, en fonction de la situation sanitaire et morale de l’intéressé, d’entraîner des conséquences graves caractérisant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. M. A se déclarant mineur sans accompagnement, notamment familial est, par sa vulnérabilité, confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité. Dans ces conditions, en ne poursuivant pas à l’accueil d’urgence du requérant et à son évaluation conformément aux dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, le département des Bouches-du-Rhône a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence.

[...]. »


Voir l’ordonnance au format PDF :

Tribunal administratif de Marseille – Ordonnance n°2308684 du 22 septembre 2023