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Cour de Cassation, Chambre criminelle, Arrêt du 23 mai 2018 n°1124, MIE de nationalité indienne ayant fait l’objet d’un refus de prise en charge en raison "de son âge trop proche de la majorité et des délais d’orientations entre 4 à 6 mois", délaissement d’une personne incapable de se protéger, "Attendu que l’arrêt énonce que cette infraction suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime, que tel n’est pas le cas du refus ainsi opposé à un mineur qui n’avait pas encore été pris en charge par le service compétent et qu’un simple entretien d’évaluation ne saurait caractériser une telle prise en charge ; Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le délit de délaissement ne peut être constitué qu’à l’encontre d’une personne qui assume déjà la responsabilité de la prise en charge de la victime, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de l’article 223-3 du code pénal "

Publié le : lundi 18 juin 2018

Source : Cour de Cassation, Chambre criminelle

Date : Arrêt du 23 mai 2018 n°1124

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- 
M. A... Z... , partie civile,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 6e section, en date du 23 mars 2017, qui, dans l’information suivie sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef notamment de délaissement d’une personne incapable de se protéger, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller X..., les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Y... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 223-3 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a dit n’y avoir lieu à poursuivre du chef de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger ;

"aux motifs qu’il résulte de l’information que M. A... Z... , né le [...] à Hoshiapur, de nationalité indienne, s’est présenté le 16 mars 2012 à la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE) de Paris ; qu’après un entretien avec lui, a été établie une fiche d’information comportant notamment les mentions suivantes "A... est arrivé en France il y a une semaine. M. Z... a été reçu ce jour et au vu des informations recueillies et de notre protocole avec l’ASE, la possibilité d’une mise à l’abri dans notre dispositif en vue d’une présentation à l’ASE n’est pas possible. M. Z... a un âge trop proche de la majorité et les délais d’orientation sont entre 4-6 mois" ; qu’à l’issue de cet entretien, la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers a opposé à l’intéressé, âgé de 17 ans et 7 mois, un refus de prise en charge ; que le délit de délaissement suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime ; que tel n’est pas le cas du refus de prise en charge ab initio d’un mineur qui n’avait, au moment de ce refus, fait l’objet d’aucune mesure de prise en charge de la part des autorités publiques ou d’organismes exerçant une mission de service public ; que le fait que M. Z... ait été reçu par la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers pour un entretien, à l’issue duquel a été établie la fiche d’information précitée concluant à l’impossibilité d’une prise en charge en raison de son âge trop proche de la majorité, est à cet égard dépourvu de portée ; que le délaissement exigé par l’article 223-3 du code pénal n’étant pas établi, l’infraction pénale prévue et réprimée par ce texte ne peut être constituée, quelle que soit l’argumentation des parties civiles concernant la vulnérabilité de M. Z... ;

"et aux motifs adoptés qu’il ne résulte pas de l’information judiciaire que M. Z... ait été victime de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger ; que la commission de ce délit suppose l’accomplissement d’un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime ; que l’élément matériel n’est pas constitué ; que l’ASE ou les services avec lesquels le département a conventionné, a une libre appréciation, au regard de critères prédéfinis, de l’orientation ou pas de la personne qui se présente en vue d’être mise à l’abri ; qu’il s’agit là d’une appréciation in concreto au vu d’un ensemble d’éléments recueillis par la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers, en application des textes édictés par les pouvoirs publics concernant l’admission de jeunes à l’ASE ; que considérer que le refus de mise à l’abri d’un jeune constitue l’infraction de délaissement revient à nier à l’autorité même qui l’exerce le pouvoir d’appréciation de la situation du jeune que les textes lui confèrent ; qu’en l’espèce, il résulte des annexes jointes à la plainte de l’association « La voix de l’enfant » et notamment des réponses apportées par le département de Paris les 3 septembre et 18 septembre 2012 aux demandes d’observations de M. le procureur de la République de Paris que « il ne peut y avoir automaticité de prise en charge de tout usager de l’aide sociale à l’enfance : toute attribution de prestation ou prise en charge est précédée d’une évaluation visant à s’assurer de la réalité de la situation sociale et familiale de chaque individu ; qu’évoquer le délaissement en supposant que le délit soit constitué serait de nature à reconnaître une automaticité de la prise en charge » ; que l’élément moral n’est pas davantage constitué ; qu’il est constant que le seul fait de sa minorité ne place pas un jeune dépourvu de représentant légal sur le territoire en situation de danger ; qu’en l’espèce, le jeune a déclaré lors de son évaluation, bénéficier de soutiens et avoir été hébergé par des compatriotes ; que par ailleurs, il a été informé de la possibilité de saisir des associations de défense des intérêts des immigrés, ce qu’il a fait au demeurant ; qu’en tout état de cause, le refus opposé à la mise à l’abri de ce jeune ne saurait constituer l’élément intentionnel d’abandon définitif ; que la volonté d’abandon n’est pas rapportée ;

"1°) alors que le délit de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime, que cet auteur assume déjà la prise en charge de la victime ou qu’il se trouve dans l’obligation légale ou réglementaire de le faire ; qu’ayant constaté que l’association à qui était délégué l’accueil des mineurs dans le dispositif de mise à l’abri des mineurs isolés institué par le département avait refusé de prendre en charge l’adolescent après avoir pourtant constaté qu’il était mineur, et avait motivé sa décision par la seule considération que la longueur des délais de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance privait d’utilité la mise à l’abri, ce dont il résultait pourtant, en l’absence de constatation que le mineur n’était pas isolé, une obligation de prendre en charge ce dernier, la chambre de l’instruction, en excluant toute qualification au titre du délit de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger au motif inopérant que le mineur n’avait alors pas encore fait l’objet d’une prise en charge, a méconnu l’article 223-3 du code pénal ;

"2°) alors qu’en tout état de cause l’accueil d’un mineur et l’évaluation de sa situation personnelle par un dispositif d’accueil provisoire d’urgence et d’évaluation de la situation individuelle des mineurs isolés en vue d’une mise à l’abri des intéressés et, le cas échéant, d’un placement au titre de l’aide sociale à l’enfance, constitue une prise en charge dont la rupture caractérise, en présence d’un mineur qui devait être mis à l’abri, le délit de délaissement prévu par l’article 223-3 du code pénal ; qu’ayant constaté que le mineur avait été reçu par la permanence d’accueil et d’orientation mise en place par le département de Paris pour un entretien, et qu’à l’issue de ce dernier une fiche d’information avait été établie et concluait à un refus de pris en charge, lequel était motivé par des considérations tenant à la seule gestion de l’aide sociale à l’enfance, la chambre de l’instruction, en retenant que le mineur n’avait fait l’objet d’aucune prise en charge n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a méconnu l’article 223-3 du code pénal ;

"3°) alors que le délit de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger suppose la conscience chez son auteur d’abandonner définitivement la victime ; qu’ayant constaté que les services de l’association avaient refusé de prendre en charge l’adolescent dont ils avaient pourtant constaté qu’il était un mineur isolé et que ce refus avait été motivé par des considérations tenant à la seule gestion de l’aide sociale à l’enfance, sans considération de la situation matérielle de l’adolescent, la chambre de l’instruction, en exigeant en sus une volonté d’abandon définitive constitutive d’un dol spécial, a ajouté à la loi et méconnu l’article 223-3 du code pénal" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure que M. A... Z... , alors âgé de
dix-sept ans et sept mois, s’est présenté à la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs étrangers isolés assurée par l’association France Terre d’asile en vertu d’une convention avec le département de Paris ; qu’il a fait l’objet d’un refus de prise en charge, au motif qu’il était, au regard des quatre à six mois de délais d’orientation, trop proche de sa majorité pour une mise à l’abri dans le dispositif de cette association en vue d’une présentation à l’aide sociale à l’enfance ; qu’il a porté plainte et s’est constitué partie civile notamment du chef susvisé ; qu’il a relevé appel de l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;

Attendu que, pour confirmer cette décision s’agissant du délit de délaissement, l’arrêt énonce que cette infraction suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime, que tel n’est pas le cas du refus ainsi opposé à un mineur qui n’avait pas encore été pris en charge par le service compétent et qu’un simple entretien d’évaluation ne saurait caractériser une telle prise en charge ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le délit de délaissement ne peut être constitué qu’à l’encontre d’une personne qui assume déjà la responsabilité de la prise en charge de la victime, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de l’article 223-3 du code pénal ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Références :
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 23 mars 2017 »