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Cour administrative d’appel de Lyon, 5e chambre, Arrêt du 12 juillet 2018 n° 18LY00944, art 47 CC, Un mineur isolé guinéen produit lors de l’évaluation un acte de naissance qui sera déclaré faux par la PAF. Un test osseux est réalisé et conclut à un age de 19 ans avec une marge d’erreur d’un an. Une OQTF est prononcée. Postérieurement, le mineur produira une carte d’identité consulaire délivrée par l’Ambassade de République de Guinée en France, un extrait d’acte de naissance régularisé et un jugement de placement du juge des enfants de Clermont Ferrand. Etant mineur à la date de délivrance de l’OQTF, la Cour annule l’OQTF et enjoint le Préfet à délivrer une autorisation provisoire de séjour sous 8 jours.

Publié le : jeudi 16 août 2018

Source : Cour administrative d’appel de Lyon 5ème chambre - formation à 3

Date : Arrêt du 12 juillet 2018 N° 18LY00944

« Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 30 mai 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination.

Par un jugement n° 1701178 du 31 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 mars 2018, M. , représenté par Me Faure Cromarias, avocate, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 août 2017 ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d’enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue en méconnaissance du principe général du droit à être entendu au sens de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

- elle est entachée d’une erreur de fait au regard de son statut de mineur ;

- elle est entachée d’une erreur de droit au regard du 1° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors qu’il est mineur ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l’article 3 de la convention relative aux droits de l’enfant ainsi que celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n’a pas produit d’observations.

Par décision du 10 octobre 2017, confirmée par ordonnance du président de la cour en date du 1er février 2018, le bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté la demande d’aide juridictionnelle de M. 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique le rapport de M. Clot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M. , ressortissant de la République de Guinée, est entré irrégulièrement en France le 10 avril 2017. Il a été pris en charge le 12 avril suivant par les services de l’aide sociale à l’enfance du Puy-de-Dôme en qualité de mineur étranger isolé. Par arrêté du 30 mai 2017, le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé un pays de destination. M. relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " I. - L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L. 121-1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants : 1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité () ". Selon l’article L. 511-4 du même code, ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : " 1° L’étranger mineur de dix-huit ans ".

3. L’article 47 du code civil dispose par ailleurs que : " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. L’article 47 du code civil précité édicte une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte pas de ces dispositions que l’administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d’un État afin d’établir qu’un acte d’état-civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d’authenticité, en particulier lorsque l’acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l’administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

5. M. soutient être né le 20 août 2000 et a produit un extrait d’acte de naissance guinéen daté du 10 février 2001. Initialement pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance du Puy-de-Dôme au titre de son statut de mineur étranger isolé sans représentant légal sur le territoire français, il a fait l’objet, sur instruction du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, d’une audition par les services de police et d’un examen osseux. Les services de la police aux frontières ont estimé que le document d’état civil fourni est un faux en raison des multiples non-conformités qu’il présente. L’examen osseux pratiqué par le service d’imagerie médicale du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 25 avril 2017 a conduit à conclure que l’intéressé est âgé de dix-neuf ans avec une marge d’erreur d’un an.

6. Toutefois, postérieurement à la décision en litige, M. a été mis en possession d’une carte d’identité consulaire établie le 29 juin 2017 par l’ambassade de la République de Guinée en France, mentionnant qu’il est né le 20 août 2000. Il produit un extrait d’acte de naissance régularisé par les services de l’ambassade le 30 juin 2017 et un jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 18 septembre 2017 selon lequel il est mineur et le confiant au service d’aide sociale à l’enfance jusqu’au 20 août 2018, jour de sa majorité. Ces documents mentionnent la date du 20 août 2000 comme étant celle de la naissance de M. et les autres mentions relatives à son lieu de naissance ou à sa nationalité sont en tous points identiques. Eu égard à ces éléments, et alors d’ailleurs que le préfet n’a pas saisi les autorités guinéennes aux fins de vérification des documents d’état civil fournis par l’intéressé, celui-ci doit être regardé comme étant mineur le 30 mai 2017, date à laquelle il ne pouvait pas légalement faire l’objet d’une décision l’obligeant à quitter le territoire français. Par suite, cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, celles fixant le délai départ volontaire de trente jours et le pays de destination.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Aux termes de l’article L. 512-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Si l’obligation de quitter le territoire français est annulée () l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

9. L’annulation prononcée par le présent arrêté n’implique pas la délivrance au requérant d’une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " mais implique seulement qu’il soit muni, dans le délai de huit jours suivant la notification de cet arrêt, d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative compétente ait à nouveau statué sur son cas. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 1 000 euros à M. au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 août 2017 est annulé.

Article 2 : L’arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 30 mai 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de munir de M. d’une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L’État versera à M. la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et au ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. »