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Conseil d’Etat – Ordonnance n°489229 du 15 novembre 2023 – Référé liberté – La Ville de Paris est enjoint d’assurer l’hébergement et de prendre en charge les besoins essentiels de l’intéressé, se déclarant mineur isolé, jusqu’à décision de l’autorité judiciaire – Erreur manifeste d’appréciation quant à sa minorité - Présentation d’un passeport biométrique dont l’authenticité n’est pas remise en cause

Publié le : jeudi 7 décembre 2023

Résumé :

Le juge des référés du Conseil d’Etat (statuant sur le fondement de l’art. L.521-2 du code de justice administrative- « référé liberté ») confirme l’ordonnance par laquelle le TA de Paris a retenu que l’appréciation portée par la Ville de Paris sur la minorité de l’intéressé était manifestement erronée et l’a enjoint à assurer son hébergement et à prendre en charge ses besoins essentiels jusqu’à décision de l’autorité judiciaire.

Pour en juger ainsi, le TA de Paris avait notamment relevé que l’intéressé présentait un passeport biométrique original dont l’authenticité n’était pas remise en cause.

Le juge des référés du Conseil d’Etat retient que la seule circonstance qu’un passeport ne soit pas un acte d’état civil au sens de l’art. 47 du code civil ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés se fonde sur les données personnelles figurant sur un passeport qu’il estime authentique.
En outre, si la Ville de Paris fait valoir qu’aucun élément ne permet de rattacher le passeport à l’intéressé et que les conditions d’obtention du passeport doivent conduire à écarter sa valeur probante, elle n’apporte aucun élément nouveau ou sérieux de nature à remettre en cause l’appréciation portée par le TA.

Voir dans le même sens : Conseil d’Etat – Ordonnance n°489228 du 15 novembre 2023


RAPPEL – La compétence du juge administratif


Par une décision de principe du 1er juillet 2015, le Conseil d’État a déclaré incompétent le juge administratif pour examiner le refus du Conseil départemental d’admettre un mineur isolé étranger à l’ASE au motif qu’il existait une voie de recours devant le juge des enfants.

TOUTEFOIS, dans certains cas la saisine du Tribunal administratif demeure possible. Notamment :

• Le Conseil d’Etat confère aux mineurs la capacité d’effectuer des référés-liberté devant le juge administratif lorsqu’un département refuse de les prendre en charge malgré la décision judiciaire les y contraignant. Voir : Conseil d’Etat, 12 mars 2014, n°375956 ainsi que quatre décisions du 27 juillet 2016. (Dans certaines conditions, le juge peut également prononcer une injonction à l’égard de l’autorité de police générale).

• Surtout, en 2020, le Conseil d’Etat a ouvert la possibilité de faire appel au juge des référés pour des mineurs en recours devant le juge des enfants, afin de demander le prolongement de leur accueil provisoire, en affirmant qu’ : «  il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L 521- 2 du code de justice administrative, lorsqu’il lui apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire ». (Voir : Conseil d’Etat, 4 juin 2020, n°440686).


Extraits de l’ordonnance :

« […].

6. Il appartient toutefois au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

[…].

10. En second lieu, pour juger " qu’en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, l’appréciation portée parla maire de Paris sur la minorité de M. A... doit être regardée comme manifestement erronée ", le juge des référés dutribunal administratif de Paris a relevé que M. A... avait présenté pour justifier sa minorité un passeport biométriqueoriginal à son nom délivré le 7 septembre 2023 à Paris, ne présentant ni rature, ni modification manifeste susceptible defaire douter de son authenticité et a estimé que ni les explications succinctes de M. A... sur les modalités de délivrance deson passeport, ni l’évaluation sociale mettant en doute le parcours migratoire de l’intéressé au regard d’incohérences, de sonfort degré d’autonomie et de précisions considérées comme insuffisantes sur son quotidien en Côte d’Ivoire, ne remettaienten cause la force probante de la mention de sa date de naissance figurant sur son passeport.

11. D’une part, la seule circonstance qu’un passeport ne soit pas un acte d’état civil au sens des dispositions précitées de l’article 47 du code civil ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés se fonde sur les données personnelles figurant sur un passeport qu’il estime authentique. D’autre part, en faisant valoir qu’aucun élément ne permet de rattacher le passeport à M. A... et que les conditions et modalités de son obtention doivent conduire à écarter sa valeur probante, la Ville de Paris n’apporte aucun élément nouveau ou sérieux de nature à remettre en cause l’appréciation du juge des référés du tribunal administratif de Paris.

[…]. »


Voir l’ordonnance au format PDF :

CE – Ordonnance n°489229 du 15 novembre 2023