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Tribunal administratif de Toulouse, jugement du 2 décembre 2019 n°1905492, 1906727. MIE guinéen s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour, obligé de quitter le territoire français, assigné à résidence et interdit de retour sur le territoire sur le fondement de l’avis défavorable émis par la Police de l’air et des frontières. Le Tribunal relève que M.X justifie de son état civil par la production d’un jugement supplétif et de sa transcription sur les registres d’état civil, légalisés par le Ministère des affaires étrangères guinéen, ainsi que d’une carte d’identité consulaire et d’une attestation de l’Ambassade de Guinée de non délivrance de passeport. Le Tribunal considère que le fait que les documents d’état civil sont faciles à produire et obtenir et qu’ils n’ont pas été légalisés n’est pas de nature à révéler une irrégularité. Par ailleurs, le Tribunal écarte les arguments selon lesquels des mentions obligatoires seraient manquantes ou des délais, notamment de transcription, ne seraient pas respectés (art. 180 et 201 du code civil guinéen) et rappelle qu’il ne saurait être déduit du "système de fraude à l’identité" en Guinée que les actes produits sont falsifiés ou irréguliers. L’absence d’authenticité des documents d’état civil produits n’est pas établie. L’illégalité de la mesure d’éloignement entraîne l’annulation des autres mesures ; il est enjoint au préfet de réexaminer la situation de M.X sous un mois, de le munir dans l’attente d’une autorisation provisoire de séjour et de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement dans le système d’information Schengen.

Publié le : vendredi 17 janvier 2020

Source : Tribunal administratif de Toulouse

Date : jugement du 2 décembre 2019 n°1905492, 1906727

Extraits :

« 10. Pour considérer que M. X n’est pas en mesure de justifier son âge et qu’il est manifeste qu’il a produit de faux documents dans le but d’obtenir son placement à l’aide sociale à l’enfance en qualité de mineur étranger isolé, le préfet du Tarn s’est fondé sur l’avis défavorable émis par la cellule de fraude documentaire de la police aux frontières, qui précise toutefois qu’elle ne peut émettre d’avis technique sur l’authenticité de ces documents et que les documents produits n’ont pas été légalisés par les autorités françaises en poste en Guinée. Cet avis conclut que les documents examinés sont irréguliers, ce qu’il n’établit pas dès lors qu’il se base uniquement sur le fait que ces actes d’état civil sont faciles à produire et obtenir et qu’ils n’ont pas été légalisés, ces deux circonstances n’étant pas de nature à révéler l’irrégularité des documents examinés.

11. Le préfet du Tarn s’est également fondé sur un courriel du 3 avril 2019 de l’ambassade de France en Guinée, non signé, qui conclut au caractère apocryphe des documents au motif que le jugement supplétif est intervenu plus de 16 ans après la naissance de l’intéressé. Toutefois, alors que l’article 201 du code civil guinéen n’enferme la procédure de jugement supplétif dans aucun délai, cette circonstance n’est pas de nature à démontrer le caractère frauduleux ou irrégulier des documents dont s’agit. Il est en de même de celle selon laquelle la date de naissance des parents de M. X ne figure pas sur le jugement supplétif, cette mention n’y étant pas obligatoire, ou encore de celle relative au court délai séparant la date de dépôt de la requête de celle du jugement supplétif. Par ailleurs, la transcription du jugement supplétif sous le n°xxx, deux jours après la date du jugement, n’est pas contraire aux dispositions de l’article 899 du code civil guinéen mentionnant que les transcriptions et mentions du dispositif sont « aussitôt opérées ». De plus les mentions du jugement supplétif selon lesquelles la naissance devra être transcrite en marge du registre d’état civil de l’année de naissance (2001), ne sont pas contraire à l’article 180 du même code au terme duquel « les registres sont clos et arrêtés par l’officier d’état civil à la fin de chaque année (…) », et sont conformes avec les dispositions de l’article 201 prévoyant que « lorsqu’une naissance n’aura pas été déclarée dans les délais prévus par l’article précédent, l’officier d’état civil ne peut la relater sur ses registres qu’en vertu d’un jugement supplétif rendu par la juridiction compétente dans le ressort de laquelle est né l’enfant et mention sommaire est faite en marge à la date de naissance ». Enfin, si le même courriel invoque un recours systématique aux jugements supplétifs en guinée, qui alimentent un vaste système de fraude à l’identité des personnes et ce à l’échelle du pays et indique que ces jugements sont rendus à la chaîne, de manière expéditive, il ne saurait en être déduit que les actes fournis par M. X sont falsifiés ou irréguliers. Il est par ailleurs constant que le préfet a procédé à un relevé d’empreintes Visabio, ainsi que le suggérait ledit courriel, qui n’a pas révélé de délivrance de visa à une autre identité. Dans ces conditions l’absence d’authenticité des documents d’état civil produits par M. X ne peut en l’espèce être regardée comme établie. Au demeurant, alors que M. X a été confié à l’aide sociale à l’enfance sans que le procureur de la République n’émette de doutes sur sa minorité, le préfet du Tarn n’apporte aucun élément de nature à faire présumer que M. X n’était pas mineur lors de sa prise en charge, ce qui ne ressort, pas plus, des pièces du dossier.

12. Il résulte de ce qui précède que la décision du 13 septembre 2019 portant refus de titre de séjour est entachée d’illégalité. La décision portant obligation de quitter le territoire se trouve de ce fait privée de base légale, de sorte que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués à son encontre, cette décision doit être annulée. L’illégalité de la mesure d’éloignement prive de leur base légale les décisions du même jour refusant d’accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire pour une durée d’un an, ainsi que l’arrêté du 25 octobre 2019 portant assignation à résidence, lesquels doivent, en conséquence, être également annulés.

13. L’exécution du présent jugement, qui annule l’obligation de quitter le territoire sans délai, la décision fixant le pays de destination et l’interdiction de retour sur le territoire français prises à l’encontre de M. X, implique nécessairement le réexamen de sa situation dans un délai d’un mois, qu’il soit muni dans cette attente d’une autorisation provisoire de séjour, et que l’administration efface le signalement dont il fait l’objet dans le système d’information Schengen aux fins de non-admission, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte »

Jugement disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Toulouse_02122019_n°1905492_1906727