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Cour de Cassation, Première Chambre Civile, 4 janvier 2017 - J 15-18.468

Publié le : mercredi 4 janvier 2017

« COUR DE CASSATION


Audience publique du 4 janvier 2017
Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n 3 FS-P+B
Pourvoi n J 15-18.468

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme C. K. M.., domiciliée département de la Corrèze, Aide sociale à l’enfance, BP 199, 19005 Tulle cedex, contre l’arrêt rendu le 13 mars 2015 par la cour d’appel de Limoges (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l’opposant :

1 / au procureur général près la cour d’appel de Limoges, domicilié en son parquet général, cour d’appel de Limoges, 17 place d’Aine, 87031 Limoges cedex 1,

2 / au département de la Corrèze, service de l’Aide sociale à l’enfance, dont le siège est Hôtel du département Marbot, BP 199, 19055
Tulle cedex, défendeurs à la cassation ;

Intervenant volontaire :

- le Défenseur des droits, domicilié 7 rue Saint-Florentin, 75008 Paris ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 22 novembre 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi,
M. Acquaviva, conseillers, Mme Guyon-Renard, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, conseillers référendaires, Mme Ancel, avocat général référendaire, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme K. M., de la SCP Sevaux et Mathonnet, en intervention, pour le Défenseur des droits, l’avis de Mme Ancel, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 13 mars 2015), que, le 4 novembre 2014, le juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative à l’égard de Mme K. M., se disant née à Kinshasa (République démocratique du Congo), le 21 décembre 1997 ;

Attendu que Mme K. M. fait grief à l’arrêt de dire qu’elle doit être considérée comme majeure et qu’il n’y a pas lieu à assistance éducative, alors, selon le moyen :

1 / que tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu’il en résulte que si le juge peut ordonner une expertise médicale aux fins de vérifier l’exactitude d’un acte fait en pays étranger et de rechercher l’âge de la personne qui invoque cet acte, c’est à la condition qu’il existe au préalable des éléments permettant de douter de la régularité de l’acte d’état civil fait en pays étranger, propres à renverser la présomption d’authenticité qui lui est par principe reconnu ; qu’en se bornant, pour passer outre l’acte d’état civil de Mme K. M. qui la désignait comme mineure, à relever péremptoirement qu’il ne serait pas établi que le porteur du document en soit le véritable titulaire, sans exposer au préalable quels éléments auraient permis de douter de la régularité de l’acte d’état civil présenté par l’intéressée et auraient rendu possible le recours à une telle expertise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 47 du code civil ;

2 / que le recours à une expertise ne saurait conditionner directement la solution du litige mais ne peut qu’éclairer le juge, lequel n’est aucunement lié par les constatations ou les conclusions du technicien ; qu’il en est particulièrement ainsi lorsque la fiabilité de l’expertise est elle-même intrinsèquement relative ; qu’en se fondant exclusivement sur les résultats d’une expertise médicale aux fins de détermination de l’âge de Mme K. M., la cour d’appel, qui a entièrement indexé sa solution sur cette seule et unique expertise, dont la fiabilité est pourtant douteuse, a ainsi violé les articles 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l’obligation primordiale de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant garantie par les articles 3 et 8 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ainsi que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l’article 47 du code civil et de violation des articles 232 et 246 du code de procédure civile, 3 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation de la cour d’appel qui a souverainement estimé, sur le fondement des éléments de preuve dont elle disposait, que l’état civil mentionné dans l’acte de naissance produit ne correspondait pas à la réalité et que Mme K. M. devait être considérée comme majeure ; qu’il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme K. M. aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme K. M.

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir constaté que C. K. M. doit être considérée comme majeure et dit qu’il n’y a dès lors pas lieu à assistance éducative ;

Aux motifs que « C. K. M. indique être née à Kinshasa (République Démocratique du Congo) en 1997 et précise qu’un ami de son père l’a aidée à venir en France où elle est arrivée le 15 septembre 2014 ;

Attendu qu’elle est arrivée à Tulle le 25 septembre 2014 où elle a été
déposée à l’Hôtel de Police ;

Attendu que le 14 octobre 2014, un examen médical a été réalisé à la demande du Procureur de la République et a conclu à un âge civil supérieur à 18 ans ;

Attendu que la décision déférée a fait droit à la demande de protection de C. K. M. pour les raisons suivantes :

- la conclusion du rapport ne peut avoir qu’une valeur indicative quant à son âge biologique et celui-ci peut être différent de l’âge civil dès lors qu’il n’existe aucune table d’ossification pour la population africaine,

- il se déduit de la formulation du rapport du Docteur C. du 14 octobre 2014 que l’intéressée a un âge civil compris entre 16 ans et demi et plus de 18 ans, ce qui n’exclut pas la minorité,

- elle est en possession d’une copie intégrale d’acte de naissance datée du 9 juin 2014 établie par la ville de Kinshasa qui fait apparaître qu’elle est née le 21 décembre 1997, selon le rapport de la police aux frontières du 7 octobre 2014, ce document précise les signes d’un document authentique ;

Attendu cependant que si la copie intégrale de l’acte de naissance présente les signes d’un document authentique, il n’est pas établi que le porteur du
document en soit le véritable titulaire ;

Attendu au surplus qu’aux termes de l’article 47 du Code civil, l’acte de l’état civil ne peut faire foi si des données extérieures établissent que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Attendu que dans son rapport, l’expert désigné, le Docteur C., indique en conclusion qu’après bilan radiologique et examen médical, la personne se disant K. M. C. a un âge civil supérieur à 18 ans et dans tous les cas supérieur à l’âge prétendu de 16 ans et demi ;

Attendu que si dans le corps de son rapport l’expert précise que la prudence s’impose dès lors qu’il n’existe pas de table pour la population africaine, il
n’en reste pas moins que dans un rapport du 8 mars 2006, l’Académie Nationale de médecine a conclu que la méthode d’analyse osseuse constitue un cadre référentiel universellement utilisé, aucune différence raciale n’ayant été à ce jour démontrée ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que l’état civil déclaré dans l’acte de naissance produit ne correspond pas à la réalité et que C. K. M. doit être considérée comme majeure ;

Attendu qu’il convient dès lors de dire n’y avoir lieu à assistance éducative, la décision entreprise étant infirmée en ce sens » ;

Alors, d’une part, que, tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu’il en résulte que si le juge peut ordonner une expertise médicale aux fins de vérifier l’exactitude d’un acte fait en pays étranger et de rechercher l’âge de la personne qui invoque cet acte, c’est à la condition qu’il existe au préalable des éléments permettant de douter de la régularité de l’acte d’état civil fait en pays étranger, propres à renverser la présomption d’authenticité qui lui est par principe reconnu ; qu’en se bornant, pour passer outre l’acte d’état civil de C. K. M. qui la désignait comme mineure, à relever péremptoirement qu’il ne serait pas établi que le porteur du document en soit le véritable titulaire, sans exposer au préalable quels éléments auraient permis de douter de la régularité de l’acte d’état civil présenté par l’intéressée et auraient rendu possible le recours à une telle expertise, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 47 du Code civil ;

Alors, d’autre part, que, le recours à une expertise ne saurait conditionner directement la solution du litige mais ne peut qu’éclairer le juge, lequel n’est
aucunement lié par les constatations ou les conclusions du technicien ; qu’il en est particulièrement ainsi lorsque la fiabilité de l’expertise est elle-même intrinsèquement relative ; qu’en se fondant exclusivement sur les résultats d’une expertise médicale aux fins de détermination de l’âge de l’exposante, la Cour d’appel, qui a entièrement indexé sa solution sur cette seule et unique expertise, dont la fiabilité est pourtant douteuse, a ainsi violé les articles 232 et 246 du Code de procédure civile, ensemble l’obligation primordiale de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant garantie par les articles 3 et 8 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ainsi que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Arrêt disponible ci-dessous au format pdf :