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Tribunal administratif de Nantes, juge des référés, ordonnance du 03 décembre 2019 n°1913131. MIE chinoise confiée à l’ASE à l’âge de 15 ans a déposé à sa majorité une demande d’asile sur laquelle l’Ofii n’a pas encore statué et a bénéficié d’une aide provisoire jeune majeure d’un an que le département a refusé de renouveler. Le Tribunal relève que du fait de son jeune âge, de l’absence de soutien familial et de solution d’hébergement pérenne, Mme X est confrontée à des difficultés susceptibles de mettre en péril, outre l’obtention de son diplôme, sa santé et sa sécurité. Bien qu’elle ait insuffisamment sollicité l’appui de son éducatrice, n’ait pas tenu tous les objectifs qui lui avaient été fixés et perçoive l’allocation pour demandeur d’asile, la décision du département d’arrêter toute forme d’accompagnement est constitutive d’une carence caractérisée qui, compte tenu des conséquences graves qu’elle est susceptible d’entraîner porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et remplie la condition d’urgence. Il est enjoint au Président du Conseil départemental de proposer un accompagnement adapté sous deux semaines.

Publié le : vendredi 14 février 2020

Source : Tribunal administratif de Nantes, juge des référés

Date : ordonnance du 03 décembre 2019 n°1913131

Extraits :

« 4. Il résulte de ces dispositions que, si le président du conseil départemental dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un jeune majeur de moins de vingt-et-un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, il incombe au président du conseil départemental de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans l’année précédant sa majorité. A ce titre, notamment, il doit veiller à la stabilité du parcours et à l’orientation des mineurs confiés au service et les accompagner vers l’autonomie dans le cadre d’un projet élaboré avec le mineur auquel doivent être associés les institutions et organismes concourant à apporter à ses besoins une réponse globale et adaptée. Lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire, il doit en outre proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou université engagée. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de ces missions peut, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé, porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

5. Mme X est scolarisée depuis le mois de septembre 2019 en classe de terminale. Elle perçoit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) une allocation pour demandeur d’asile depuis le mois de septembre 2018, d’un montant mensuel d’environ 440 euros. Elle a dû quitter le foyer de jeunes travailleurs dans lequel elle était hébergée par le département. Elle indique que son allocation ne lui permet pas de financer un loyer et que l’OFII ne lui a proposé aucune solution d’hébergement, compte tenu de la saturation de son dispositif d’accueil. Elle déclare être logée "par des connaissances" à Angers, et craindre que cette situation de grande précarité compromette la bonne fin de ses études. Pour justifier sa décision de mettre fin à l’accompagnement de la requérante, le département (...) fait valoir que celle-ci n’a respecté que partiellement les engagements qu’elle avait pris en signant son contrat. Il reproche en particulier à l’intéressée de ne pas avoir rendu compte régulièrement à son éducatrice, avec laquelle elle n’a programmé qu’un seul rendez-vous en deux mois, des diverses démarches qu’elle devait engager, de ses résultats scolaires et de la gestion de son budget, l’unique rendez-vous ayant été essentiellement consacré à l’évocation d’un problème de harcèlement dont elle disait être victime dans son lycée. Il est toutefois constant que du fait de son jeune âge, de l’absence de soutien familial et de solution d’hébergement pérenne, Mme X est confrontée à des difficultés susceptibles de mettre en péril, outre l’obtention de son diplôme, sa santé et sa sécurité. Dans ces conditions, bien que Mme X ait insuffisamment sollicité l’appui de son éducatrice, n’ait pas tenu tous les objectifs qui lui avaient été fixés et perçoive l’allocation pour demandeur d’asile, la décision du département d’arrêter à compter du 10 novembre 2019 toute forme d’accompagnement, y compris autre qu’une prise en charge au titre du contrat "jeune majeur", propre à concourir, avec l’ensemble des institutions et organismes compétents, à une réponse globale et adaptée à ses besoins et à assurer la stabilité de sa situation et son accompagnement jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours est en l’espèce constitutive d’une carence caractérisée qui, compte tenu des conséquences graves qu’elle est susceptible d’entraîner pour Mme X, porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La condition d’urgence se trouve, dès lors, par là-même remplie. »

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Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Nantes_03122019_n°1913131