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Cour administrative d’appel de Nancy – 1ère chambre – Arrêt N°21NC02877 du 21 juillet 2022 – Refus de titre de séjour – Atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale (article 8 CEDH)

Publié le : mercredi 27 juillet 2022

Résumé :

En refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressé (article 8 de la CEDH), anciennement pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, ayant poursuivi sa formation avec succès et établi des liens personnels et familiaux intenses et stables en France (adoption simple), parfaitement intégré dans la société française et ne disposant pas d’attaches familiales fortes dans son pays d’origine.

L’arrêté du préfet est annulé et ce dernier est enjoint de délivrer à l’intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».


Extraits de l’arrêt :

« 1. M. A, ressortissant guinéen qui déclare être né […] 2001 […] a été confié à l’aide sociale à l’enfance […]. Une enquête a ensuite été diligentée par les services de la police aux frontières et a fait naitre un doute sur sa minorité, le requérant apparaissant comme connu en Italie sous différentes identités. Le 5 juillet 2020, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L.313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 19 mars 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français […].

2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ".

3. […] M.A est arrivé en France en décembre 2017 et […] a été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance en raison de sa minorité et de son isolement du 30 janvier 2018 au 20 mars 2019. Malgré l’arrêt de cette aide en raison des doutes exprimés mais non établis par la police aux frontières sur sa minorité, il a entrepris et poursuivi avec succès un CAP peinture obtenu en juin 2021 puis un second CAP en carrosserie qu’il a effectué en 2021/2022 et qui lui a permis de bénéficier d’une promesse d’embauche en contrat d’apprentissage dans ce secteur professionnel. De plus, il établit avoir tissé des liens personnels et familiaux intenses et stables en France qui ont conduit notamment à son adoption simple par Mme E avec le soutien de sa fille, D, par un jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 14 avril 2022 ainsi que s’être parfaitement bien intégré dans la société française comme en témoignent les nombreuses attestations de proches et d’enseignants produites, alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il disposerait encore d’attaches familiales fortes dans son pays d’origine. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l’espèce, le préfet du Haut-Rhin, en prenant l’arrêté attaqué, a porté au droit de M.A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

[…]  ».


Voir l’arrêt au format PDF :

CAA Nancy - N°21NC02877 du 21 juillet 2022