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Tribunal administratif de Marseille – Ordonnance N°2305965 du 29 juin 2023 – Contrat jeune majeur - Le département est enjoint de reprendre en charge l’intéressé - Absence de ressources suffisantes en dépit d’une activité ponctuelle - Absence d’un soutien familial suffisant – Situation d’urgence susceptible de le placer dans une situation de précarité et de compromettre le suivi de son état de santé et de son projet scolaire/professionnel en dépit du suivi PJJ dont il fait l’objet

Publié le : mardi 26 septembre 2023

Résumé :

Le TA de Marseille, statuant le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), enjoint au département de prendre en charge temporairement l’intéressé au titre du 5° de l’art. L. 222-5 du CASF (droit à une prise en charge pour les jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans ayant été pris en charge par l’ASE avant leur majorité, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants).

Le TA retient tout d’abord que la décision du département de ne pas renouveler sa prise en charge porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En effet, l’intéressé, confié à l’ASE durant sa minorité, qui rencontre des problèmes de santé à l’origine de troubles du comportement pour lesquels il établit respecter son obligation de soin, ne dispose ni de ressources suffisantes, en dépit du démarrage récent d’une activité ponctuelle de livreur, ni d’un soutien familial effectif, la seule présence de l’un de ses oncles à Marseille avec qui il indique n’avoir aucune relation n’étant pas de nature à établir l’existence d’un tel soutien.

En outre, la condition tenant à l’urgence doit être regardée comme remplie au regard de l’interruption brutale de sa prise en charge, sans aucun solution alternative d’hébergement autre que le 115, qui est susceptible de le placer dans une situation de précarité dangereuse pour sa sécurité et de compromettre le suivi de son état de santé et son projet scolaire puis d’insertion professionnelle, en dépit de la poursuite en parallèle du suivi par les services de la PJJ dont il fait l’objet.


Extraits de l’ordonnance :

« [...].

4. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles que, depuis l’entrée en vigueur du I de l’article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans ayant été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un département avant leur majorité bénéficient d’un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

5. Une carence caractérisée dans l’accomplissement par le président du conseil départemental des missions fixées par les dispositions rappelées aux points précédents, notamment dans les modalités de prise en charge des besoins du mineur ou du jeune majeur relevant de l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé, est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En ce qui concerne l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

6. Il résulte de l’instruction que M. , ressortissant algérien né le [...] 2005, [...] a été mis à l’abri puis a fait l’objet d’un placement auprès de l’aide sociale à l’enfance des Bouches-du-Rhône jusqu’à sa majorité, [...]. Par lettre du 20 janvier 2023, le département des Bouches-du-Rhône lui a accordé le bénéfice d’un contrat jeune majeur à compter de sa majorité et jusqu’au 20 juin 2023.
Le requérant a sollicité le renouvellement de cette prise en charge [...], et cette demande a fait l’objet le 9 juin 2023 d’une décision de refus, avec une date de fin de prise en charge au 30 juin 2023.

7. Il résulte également de l’instruction que le requérant rencontre des problèmes de santé psychiques et addictifs, qui ont été à l’origine de troubles du comportement, pour lesquels il importe qu’il continue à être soigné et accompagné, et pour lesquels il établit respecter, au demeurant, son obligation de soin, contrairement à ce qui est soutenu en défense et à ce qui est indiqué dans la note d’intervention [...] produite par le département. Par ailleurs, il poursuit sa scolarité. Il ne dispose, contrairement à ce qu’a retenu la décision du 9 juin 2023, ni de ressources suffisantes, en dépit du démarrage récent d’une activité ponctuelle de livreur, ni d’un soutien familial effectif, la seule présence à Marseille de l’un de ses oncles, avec lequel il indique n’avoir aucune relation, n’étant pas de nature à établir l’existence d’un tel soutien. Il ne dispose, en outre, ni d’une maturité et d’une capacité d’insertion sociale suffisantes, ni de solution d’hébergement stable et pérenne. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que la décision du département de ne pas renouveler sa prise en charge au titre des dispositions du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, qui est de nature à entraîner des conséquences graves pour lui, porte, dans les circonstances particulières de l’espèce, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En ce qui concerne l’urgence :

8. La prise en charge de l’intéressé par le département prenant fin le 30 juin 2023, et l’interruption brutale de sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, sans aucune solution alternative d’hébergement autre que le 115, est susceptible de le placer dans une situation de précarité dangereuse pour sa sécurité et de compromettre le suivi de son état de santé et son projet scolaire puis d’insertion professionnelle, en dépit de la poursuite en parallèle du suivi par les services de la protection judiciaire de la jeunesse dont il fait l’objet. Dans ces conditions, la condition tenant à l’urgence doit être regardée comme remplie.

[…].  »


Voir l’ordonnance au format PDF :

TA Marseille – Ordonnance N°2305965 du 29 juin 2023