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Cour administrative d’appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, Arrêt du 15 septembre 2017 n° 16MA03047, MIE, pris en charge après 16 ans, CAP, "les différents rapports produits par l’appelant témoignent de son sérieux, de sa motivation, ainsi que des efforts accomplis pour réussir son intégration tant scolaire que sociale et professionnelle ; qu’ainsi, au regard de ces éléments, et alors même que l’intéressé ne serait pas dépourvu de toute attache dans son pays d’origine, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle "

Publié le : lundi 16 octobre 2017

Source : COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE, (7ème chambre - formation à 3 )

Date : Arrêt du 15 septembre 2017 n° 16MA03047

M. 
/c PRÉFECTURE DES BOUCHES-DU-RHÔNE CE

M. POCHERON, président
M. MAURY, Commissaire du Gouvernement
Mme Jeannette FEMENIA, Rapporteur
MADYAN., Avocat(s) général

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

M. a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté en date du 21 septembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d’admission au séjour.
Par un jugement n° 1509511 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2016, M. , représenté par Me demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2016 ;
2°) d’annuler l’arrêté précité du 21 septembre 2015 ;
3°) à titre principal, d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié ", dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence du signataire de l’arrêté contesté n’est pas établie ;
- il remplit les conditions d’octroi d’une carte de séjour sur le fondement des articles L. 313-11-2° bis et L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- l’arrêté en litige méconnaît les dispositions de l’article L. 313-11 7° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- pour les mêmes motifs, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Le rapport de Mme a été entendu au cours de l’audience publique.
1. Considérant que M. , de nationalité égyptienne, est entré en France le 14 juillet 2010 selon ses déclarations ; qu’en tant que mineur isolé, il a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance à compter du 20 avril 2011 ; que cette admission a été confirmée par décision de justice du 3 avril 2012 ; qu’il a sollicité le 25 septembre 2012 son admission au séjour en qualité d’étudiant et a obtenu une carte de séjour qui a été renouvelée jusqu’au 23 janvier 2015 ; qu’il a sollicité le 11 février 2015 le renouvellement de son titre de séjour et le changement de son statut d’étudiant en celui de salarié sur le fondement de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, par un arrêté en date du 21 septembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande ; que M. relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d’annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de son entrée sur le territoire français, M. , alors âgé de 16 ans, a sollicité l’aide de La Croix Rouge qui l’a accueilli au centre Enfants du Monde du Kremlin-Bicêtre à compter du 22 avril 2011 ; qu’il a ensuite été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance en qualité de mineur isolé et confié au foyer de jeune travailleur La Bienvenue à Paris par une ordonnance du tribunal pour enfants de Paris du 3 avril 2012 ; que le 7 février 2012 il avait rejoint la maison d’enfants à caractère social Saint François de Sales à Marseille ; qu’il a été scolarisé en classe de certificat d’aptitude professionnelle (CAP) " maintenance des bâtiments et collectivités" et, suite à un changement de filière professionnelle, a obtenu le titre d’installateur sanitaire en 2014 ; que dans le cadre de cette formation, qu’il a effectuée en alternance, il a suivi des stages de professionnalisation en entreprise et a conclu le 11 septembre 2012 un contrat d’apprentissage de deux ans avec la société Moniteur d’Installation Thermique et Sanitaires (MITS) ; que cette société lui a proposé un contrat à durée déterminée du 15 octobre 2014 au 31 octobre 2014, reconduit du 10 décembre 2014 au 31 décembre 2014, en qualité d’ouvrier polyvalent à temps plein ; qu’il ressort également des pièces du dossier qu’il a signé un bail de location depuis le 1er août 2014 et a produit les quittances de loyer à compter de cette date jusqu’au 30 juin 2015 ; que, par ailleurs, les différents rapports produits par l’appelant témoignent de son sérieux, de sa motivation, ainsi que des efforts accomplis pour réussir son intégration tant scolaire que sociale et professionnelle ; qu’ainsi, au regard de ces éléments, et alors même que l’intéressé ne serait pas dépourvu de toute attache dans son pays d’origine, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.  ;
3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision lui refusant la délivrance d’un titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. ".
5. Considérant qu’eu égard au motif d’annulation retenu par le présent arrêt et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l’autorité administrative oppose à M. une nouvelle décision de refus, cette annulation implique nécessairement qu’il soit délivré à l’intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2016 et l’arrêté du 21 septembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L’Etat versera à M. une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.