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CAA de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, Arrêt du 25 septembre 2018 N°18NC00562 : une mineure isolée de RDC se présente au commissariat pour être protégée en tant que MIE. "Ses empreintes auraient été relevées et correspondraient à l’identité de Mme X, angolaise, majeure". En appel, la requérante produit le volet 1 de l’acte de naissance établi suivant un jugement supplétif, et un jugement en assistance éducative du TPE d’Epinal qui constate que Mme doit être considérée comme mineure isolée. Le Préfet des Vosges ne conteste pas l’authenticité des documents, il a commis une erreur de fait et a méconnu les dispositions de l’art L511-4. Injonction de délivrer une APS.

Publié le : vendredi 28 septembre 2018

Source : Cour administrative d’appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3

Date : Arrêt du 25 septembre 2018 N° 18NC00562

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme a demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler l’arrêté du 18 novembre 2017 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 1703387 du 6 février 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 6 mars 2018, le 11 mai 2018 et le 16 août 2018, Mme , représentée par Me Géhin, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 6 février 2018 ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 18 novembre 2017 du préfet des Vosges ;

3°) d’enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 48 heures suivant la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge n’a pas visé une production en délibéré avant de rendre sa décision ;

- l’arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- l’obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans la mesure où elle est entachée d’une erreur de fait et il appartenait au préfet d’établir son identité et sa minorité.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2018, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Mme a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- et les observations de Me Géhin, conseil de Mme 

Considérant ce qui suit :

1. Mme déclare être une ressortissante congolaise née le 15 juillet 2001 et être entrée sur le territoire français le 17 novembre 2017. Se déclarant mineure étrangère isolée en France, elle s’est présentée auprès des services de police dont les investigations lui ont imputé l’identité de Mme , de nationalité angolaise, née le 15 juillet 1993. Par un arrêté du 18 novembre 2017, le préfet des Vosges a obligé " Mme se disant Mme " à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L’étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " (...) La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil ". Aux termes de l’article 47 du code civil " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après, toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. La présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère ne peut être renversée par l’administration qu’en apportant la preuve, en menant les vérifications utiles, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il en va ainsi lorsqu’il s’agit pour le préfet d’établir qu’un étranger est majeur et ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection prévue, en faveur des étrangers mineurs, par le 1° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

4. Il ressort des seules énonciations de l’arrêté contesté qu’alors que la requérante s’était présentée le 17 novembre 2017 au commissariat de police d’Épinal en se déclarant mineure sous l’identité de Mme née le 15 juillet 2001, ses empreintes auraient été relevées et qu’elles correspondraient à l’identité de Mme de nationalité angolaise, née le 15 juillet 1993 à Luanda. Pour justifier de sa véritable identité, la requérante a produit, pour la première fois en appel, le volet n° 1 de son acte de naissance établi le 17 avril 2018 suivant jugement supplétif du 24 octobre 2017 rendu par le tribunal pour enfants de Kinshasa/Gombe ainsi qu’un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants d’Epinal du 4 mai 2018 qui " constate que doit être considérée comme une personne mineure ". Le préfet des Vosges à qui ces documents ont été communiqués dans le cadre de la présente instance n’apporte aucun élément de nature à établir que l’acte d’état-civil ainsi produit ne serait pas authentique. Dans ces conditions, en estimant que Mme avait déclaré une fausse identité et n’était pas mineure lors de l’édiction de la mesure d’éloignement attaquée, le préfet des Vosges a commis une erreur de fait et a méconnu les dispositions du 1° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

6. L’exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de Mme soit réexaminée et que, dans cette attente, soit délivrée à l’intéressée, une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l’article L. 512-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet des Vosges de délivrer à Mme dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de réexamen de sa situation. Il n’est pas nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés à l’instance :

7. Mme a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Géhin, avocat de Mme , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Géhin de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703387 du 6 février 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy et l’arrêté du 18 novembre 2017 par lequel le préfet des Vosges a fait obligation à Mme de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Vosges de délivrer à Mme dans les quinze jours de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de réexamen de sa situation.

Article 3 : L’Etat versera à Me Géhin, avocat de Mme, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Géhin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.