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Cour d’appel de Rennes, Arrêt du 24 juin 2017 N° 17/00285, Cameroun, OQTF, assignation à résidence, garanties de représentations suffisantes, absence de notification d’un refus de titre de séjour, acte de naissance authentique, emploi et APJM, éléments non recueillis par la préfecture, illégalité du placement en rétention

Publié le : dimanche 23 juillet 2017

Source : Cour d’appel de Rennes

Date : Arrêt du 24 juin 2017 N° 17/00285

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE articles L 551-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Louis Denis HUBERT, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.551-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Françoise DELAUNAY, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 23 Juin 2017 à 17 heures 53 par :
Madame La Préfète de la région Pays de la Loire
Préfète de Loire Atlantique
6 quai CEINERAY BP 33515
44035 NANTES Cedex

d’une ordonnance rendue le 22 Juin 2017 à 18 heures 04 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de RENNES qui a constaté l’illégalité du placement en rétention et mis fin à la rétention administrative de :
M. 
né le 05 Décembre 1998 à YAOUNDE
de nationalité Camerounaise
demeurant
ayant pour avocat Me Kloé Justine ALLARD, avocat au barreau de RENNES

En l’absence du représentant du préfet de Loire Atlantique, dûment convoqué,
En l’absence du procureur général régulièrement avisé,
En l’absence de, représenté par Me Kloé Justine ALLARD, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 24 Juin 2017 à 11 H 00 Maître Kloé Justine ALLARD, avocat en ses observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et le 24 juin 2017 à 12 heures, avons statué comme suit :

Vu l’arrêté préfectoral du 3 mars 2017 rejetant la demande de titre de séjour de Monsieur.et lui accordant un délai de 30 jours à compter de la notification pour quitter volontairement le territoire français,

Vu l’arrêté préfectoral du 20 juin 2017 décidant le maintien de Monsieur en rétention administrative pour une durée de 48 heures à compter du même jour à 18 heures,

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes rendue le 22 juin 2017 constatant l’illégalité du placement en rétention et mettant fin à la rétention administrative ;

Vu la déclaration d’appel de Madame la Préfète de la Loire Atlantique par télécopie en date du 23 juin 2017,

Vu l’avis adressé à Madame l. Générale,

Maître ALLARD Kloé Justine, Avocat commis d’office a été avisé par télécopie en date du 24 juin 2017 de la date et de l’heure de l’audience de la cour ;

La date et l’heure de l’audience de la cour ont été communiquées le 23 juin 2017 à 19h10 à Monsieur .par appel téléphonique du Président de chambre délégué par Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Rennes ;

Vu l’avis du Parquet Général sollicitant l’infirmation de la décision du juge des libertés la détention ;

À l’audience publique de ce jour à 11 heures se sont présentés :
Maître ALLARD Kloé Justine, avocate en ses observations,
L’affaire est mise en délibéré pour l’ordonnance être rendue à 12h00.

SUR CE,
L’appel interjeté par Madame la Préfète de Loire Atlantique est recevable pour avoir été interjeté dans le délai de 24 heures prévu à l’article R.552-12 du code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Au soutien de son appel, Madame la Préfète de la Loire Atlantique soutient dans sa déclaration d’appel que le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut d’examen approfondi de la situation de Monsieur ne peut être retenu puisque Monsieur occupe un lieu d’hébergement illégalement, que la décision portant refus de séjour assorti de l’obligation de quitter le territoire lui a été régulièrement notifiée le 9 mars 2017 par voie postale à l’adresse administrative qu’il a lui-même déclarée, que la demande d’admission exceptionnelle au séjour du 19 mai 2017 n’apporte aucun élément nouveau, que Monsieur ne souhaite pas regagner le Cameroun, qu’il ne présente pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’exécution de la mesure devenue exécutoire, et qu’il n’a pas déféré volontairement à la mesure d’éloignement.

En application de l’article L.551-2 du code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile la décision de placement en rétention administrative doit être motivée, l’autorité préfectorale étant tenue d’examiner la situation personnelle de l’intéressé avant de prendre sa décision.

Aux termes de l’article L.551-1 CESEDA, : « Dans les cas prévus aux 1° à 7° du I de l’article L.561-2, l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L.511-1 peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de 48 heures [...] »

En application de l’article L.561-2 I CESEDA, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable lorsque cet étranger, comme en l’espèce, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré.
L’article L.511-1 II 3° CESEDA dispose : « [...] Toutefois, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : [...]

3° s’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières, dans les cas suivants :

a) si l’étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
b) si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation de visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée en France sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
c) si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé, de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour sans avoir demandé le renouvellement ;
d) si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
e) si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyages ;
f) si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyages en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L.513-4, L.552-4, L.561-1 et L.561-2.

L’autorité administrative peut faire application du 3e alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. »

L’article 28 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 prévoit que les Etats membres peuvent recourir à la rétention administrative « en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. »

En l’espèce, Monsieur ne peut être regardé comme ayant eu connaissance de l’arrêté préfectoral du 3 mars 2017 lui notifiant le rejet de sa demande de titre de séjour et lui accordant un délai de 30 jours à compter de la notification pour quitter volontairement le territoire français, et il ne peut utilement lui être reproché de s’y être volontairement soustrait.
En effet, le simple retour en préfecture du courrier de notification à défaut de remise à l’intéressé est insuffisant puisqu’il résulte du courrier du 18 mai 2017 de Madame Clara P. assistante sociale au service ASMEH de l’association Saint Benoît Labre qu’elle n’a jamais eu en sa possession le courrier envoyé par la préfecture et que celui-ci n’a donc pas pu être remis à Monsieur qui, contrairement à ce qu’indique l’avis de réception, n’en a pas été avisé le 9 mars 2017.
Monsieur n’ayant pas, durant sa garde à vue, été interrogé sur son lieu de résidence réelle, l’administration préfectorale, avant de prendre l’arrêté de rétention administrative n’a procédé à aucune investigation sur ce point alors qu’il aurait pu préciser, comme cela résulte de la procédure d’expulsion figurant au dossier, qu’il réside effectivement : « chambre n°xx Hôtel xxxx xxxxxxxxxxxxxxxxx 44400 REZE ». Cet hébergement n’est pas précaire puisqu’il lui a été fourni par l’association Saint Benoit Labre durant sa minorité même s’il s’y maintient, selon elle illégalement, depuis sa majorité intervenue le 5 décembre 2016.
L’authenticité de l’acte de naissance camerounais de Monsieur a été confirmée le 16 février 2016 par les services de police compétents et il convient de relever que la préfecture de Loire Atlantique a procédé à la rétention du passeport camerounais délivré à l’intéressé le 25 novembre 2016 valable jusqu’au 25 novembre 2021.
En outre, Monsieur présente d’autres garanties de représentation puisqu’il exerce jusqu’au 14 juillet 2017 un emploi dans le cadre d’une convention de stage auprès de la SODEXO LA JOLIVERIE et que le président du conseil départemental de Loire Atlantique, après l’avoir pris en charge jusqu’à sa majorité en qualité de mineur isolé dans le cadre d’une mesure de tutelle, a conclu avec lui, par l’intermédiaire du centre médico social de HENRI M., le 4 avril 2017, un contrat de soutien à l’autonomie des jeunes pour 4 mois prévoyant notamment un accompagnement au regard du logement et une aide financière de 200 €.

Monsieur a formulé une nouvelle demande de titre de séjour le 19 mai 2017.

Il résulte de ce qui précède que, au regard de ces éléments que n’a pas recueillis la préfecture avant de prendre l’arrêté du 20 juin 2017, le premier juge a, à bon droit, constaté l’illégalité du placement en rétention, mis fin à la rétention administrative par ordonnance du 22 juin 2017 et condamné le représentant de l’État sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En cause d’appel, Madame la Préfète de LOIRE ATLANTIQUE ès qualités de représentant de l’État, partie perdante, sera condamnée, sur la base de ce texte, au paiement de la somme de 500 €.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

DÉCLARONS recevable l’appel de Madame la Préfète de Loire Atlantique ès qualités de représentant de l’État à l’encontre de la décision du juge des libertés de la détention du tribunal de grande instance de Nantes ayant statué sur le placement en rétention administrative et la prolongation de celle-ci par ordonnance rendue le 22 juin 2017 ;

CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés de la détention du tribunal de grande instance de Rennes le 22 juin 2017 à 18 heures 04 ;

Y ajoutant,

CONDAMNONS, en cause d’appel, Madame la Préfète de Loire Atlantique ès qualités de représentant de l’État à payer à Maître Kloé Justine ALLARD, conseil de Monsieur qui renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle, la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

CONDAMNONS Madame la Préfète de Loire Atlantique ès qualités de représentant de l’État aux dépens de la procédure d’appel.