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Cour administrative d’appel de Douai, 4e chambre, Arrêt du 02 juillet 2020 N° 19DA00913 : Un ancien MIE ressortissant camerounais confié avant l’âge de 16 ans à l’aide sociale à l’enfance, présentant un acte de naissance, une copie certifiée conforme et un passeport délivrés par l’Ambassade du Cameroun à Paris, sollicite un premier titre de séjour mention vie privée et familiale sur le fondement de l’art. L313-11-2bis du CESEDA. Refus du préfet et OQTF 30 jours fondé sur le caractère apocryphe de l’acte de naissance produit suite à un avis défavorable de la DZPAF, d’un avis défavorable sur la copie délivrée par l’ambassade dont la DZPAF ne détient pas de modèle authentique dans sa base, de l’insertion défavorable en raison de cette fraude commise et enfin sur la circonstance que l’intéressé ne serait pas isolé dans son pays d’origine où résident ses parents et 4 frères et sœurs. « Le préfet du Nord n’a pu, sans méconnaître les dispositions de l’article 47 du code civil et celles de l’article L. 111-6 du CESEDA, considérer que les éléments étaient suffisamment précis pour établir le caractère falsifié des documents présentés. Dès lors, le préfet ne pouvait se fonder sur le caractère apocryphe des documents produits pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l’article L. 313-11 CESEDA. Le préfet du Nord a fait en outre une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 313-11 2° bis CESEDA en refusant de lui accorder le titre de séjour sollicité alors qu’il justifie d’une prise en charge à l’ASE avant 16 ans, du caractère réel et sérieux de ses études et que le lien avec sa famille n’est pas établi ni allégué. » Annulation refus TS et OQTF. Injonction de délivrer une carte de séjour temporaire mention VPF dans un délai de 2 mois.

Publié le : jeudi 2 juillet 2020

Source : Cour administrative d’appel de Douai, 4e chambre

Date : Arrêt du 02 juillet 2020 N° 19DA00913

Résumé :

Un ancien MIE ressortissant camerounais confié avant l’âge de 16 ans à l’aide sociale à l’enfance sollicite un premier titre de séjour mention vie privée et familiale sur le fondement de l’art. L313-11-2bis du CESEDA. Refus du préfet et OQTF 30 jours fondé sur le caractère apocryphe de l’acte de naissance produit suite à une analyse par la DZPAF, insertion défavorable en raison de cette fraude commise et enfin sur la circonstance que l’intéressé ne serait pas isolé dans son pays d’origine où résident ses parents et 4 frères et sœurs.

Lorsqu’il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention "vie privée et familiale", sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’il a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu’en raison de la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française.

Il résulte des dispositions des art. 311-2-2 et L 111-6 CESEDA et art 47 Code civil que la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation, par l’administration, de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu’un acte d’état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu’il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d’apprécier les conséquences à tirer de la production par l’étranger d’une carte consulaire ou d’un passeport dont l’authenticité est établie ou n’est pas contestée, sans qu’une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

Il ressort des pièces du dossier que, pour contester l’authenticité des documents d’état civil présentés, le préfet du Nord s’est fondé, d’une part, sur une analyse technique en date du 9 avril 2018, menée par le service de la fraude documentaire DZPAF, d’autre part sur un courriel émanant du consulat général de France à Douala. Ce dernier document se borne à indiquer sommairement que, selon le retour des autorités locales, qui, toutefois, n’est l’objet d’aucune des pièces versées au débat contradictoire, " l’acte de naissance de … est non-authentique ", sans mentionner, contrairement à ce que porte l’arrêté en litige, que cet acte de naissance correspondrait à une personne de sexe féminin née le 30 mars 2000. Pour sa part, dans son analyse du 9 avril 2018, la DZPAF émet un avis défavorable sur cet acte de naissance, pour lequel elle dispose d’un modèle authentique correspondant au document objet de l’analyse, au seul motif qu’un des deux tampons humides légalisant le document " présente l’anomalie d’être bicolore ". Cependant, il ressort également des pièces du dossier qu’au terme d’une analyse antérieure en 2015, de ce même acte de naissance, la DZPAF déclarait n’avoir " établi aucun élément de contrefaçon ou de falsification " et estimait que le document présentait " les caractéristiques d’un document authentique ".
Certes, dans son analyse 2018, la DZPAF émet aussi un avis très défavorable sur une copie certifiée conforme de l’acte de naissance de l’intéressé, faite à Paris le 23 juin 2015, pour laquelle elle ne dispose d’ailleurs pas de modèle authentique correspondant au document objet de l’analyse, au motif que les mentions pré-imprimées de cette copie certifiée conforme sont réalisées en jet d’encre au lieu d’impression en offset quadrichromie. Mais la DZPAF elle-même indique que les deux cachets humides légalisant cette copie certifiée conforme sont " de bonne qualité " pour l’un, et " conforme aux pratiques de l’ambassade du Cameroun en France " pour l’autre.

M. est titulaire d’un passeport délivré par l’ambassade du Cameroun à Paris, qui mentionne la même date de naissance que l’acte, et dont le préfet du Nord ne conteste pas le caractère authentique mais allègue seulement qu’il aurait pu être obtenu sur la base de l’acte de naissance selon lui contrefait. Dans ces conditions, le préfet du Nord n’a pu, sans méconnaître les dispositions de l’article 47 du code civil et celles de l’article L. 111-6 du CESEDA, considérer que les éléments précités étaient suffisamment précis pour établir le caractère falsifié des documents présentés. Dès lors, le préfet ne pouvait se fonder sur le caractère apocryphe des documents produits pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l’article L. 313-11 CESEDA.
Le préfet ne peut, de ce chef, faire grief au requérant d’une insertion défavorable dans la société française en raison d’une fraude.

M., pris en charge par l’ASE avant 16 ans justifie du caractère réel et sérieux de ses études : obtention du brevet d’études professionnelles, bulletins scolaires et attestations circonstanciées d’enseignants versés au dossier relèvent son implication sérieuse et durable, appréciation favorable de la structure qui l’a accueilli et renouvellement de 4 mois de sa prise en charge jeune majeur. Dans ces conditions, alors qu’il n’est pas établi ni même allégué que M. continuerait d’entretenir des relations avec sa famille restée au Cameroun, le préfet du Nord a fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 313-11 2° bis CESEDA en refusant de lui accorder le titre de séjour sollicité sur leur fondement. Annulation refus TS et OQTF. Injonction de délivrer une carte de séjour temporaire mention VPF dans un délai de 2 mois.

Arrêt disponible en format pdf ci-dessous :