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Conseil d’Etat, juge des référés, ordonnance du 02 avril 2020 n°439763, Droit au logement. La Fédération nationale Droit au logement et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner à l’Etat d’instaurer des mesures sanitaires propres à garantir la protection des personnes sans domicile et des personnels accompagnants en assurant un confinement de ces personnes dans des conditions d’hébergement adéquates. En ce qui concerne les mesures relatives à l’hébergement des personnes sans domicile visant à assurer leur protection efficace face à l’épidémie de covid-19, le Conseil d’Etat relève qu’il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, de carence justifiant que soit ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et à la protection de l’intégrité physique et psychique des personnes sans hébergement, la fermeture des lieux d’hébergement collectif existants et la réquisition d’appartements ou de chambres d’hôtel que demandent les requérantes. En ce qui concerne la distribution de masques et les mesures de dépistage, le juge relève que le décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans la lutte contre le virus covid-19 a ouvert aux opérateurs du champ social la possibilité d’importer et de distribuer par leurs propres réseaux les masques nécessaires, possibilité également ouverte aux collectivités territoriales ; et que les autorités ont pris les dispositions nécessaires pour augmenter les capacités en termes de dépistage dans la perspective de sortie du confinement, de sorte qu’il n’y a, en l’état de l’instruction pas d’atteinte grave à une liberté fondamentale. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la condition d’urgence, le Conseil d’Etat rejette la requête.

Publié le : vendredi 3 avril 2020

Voir en ligne : https://www.conseil-etat.fr/ressour...

Source : Conseil d’Etat, juge des référés

Date : ordonnance du 02 avril 2020 n°439763

Extraits :

«  Sur la demande en référé :

7. La Fédération nationale Droit au logement et autres soutiennent que les mesures prises par l’Etat dans le cadre de l’épidémie de covid-19 sont insuffisantes pour assurer une protection efficace aux personnes sans domicile ou ne bénéficiant que d’un logement indigne, y compris les étrangers dont la demande d’asile a été rejetée. Pour qu’il soit remédié à cette situation, ils demandent au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner à l’Etat d’instaurer des mesures sanitaires propres à garantir la protection des personnes sans domicile et des personnels accompagnants en assurant un confinement de ces personnes dans des conditions d’hébergement adéquates y compris par le recours à des réquisitions d’appartements en location meublée touristique et de chambres d’hôtels vacants, en fournissant notamment aux personnels accompagnants les garanties nécessaires en particulier par la distribution prioritaire de masques de protection et en procédant à un dépistage systématique du public pris en charge et travaillant dans des structures qui organisent un hébergement en collectif.

En ce qui concerne les mesures relatives à l’hébergement des personnes sans domicile visant à assurer leur protection efficace face à l’épidémie de covid-19 :

8. Il résulte de l’instruction que, par différentes mesures, notamment le report jusqu’au 31 mai de la trêve hivernale et de la fermeture des places d’hébergement ouvertes pendant l’hiver, le recours à des nuitées d’hôtel et à des structures d’hébergement touristique par la passation d’accords avec des professionnels de ces secteurs, l’utilisation de structures d’accueil provisoires telles que des gymnases ou des salles polyvalentes ainsi que par la réquisition d’immeubles vacants, les capacités d’hébergement pour les personnes sans domicile s’élèvent à la fin du mois de mars à près de 170 000 places contre 157 000 avant la présente crise, auxquelles s’ajoutent près de 200 000 places en logement adapté. Les requérantes et les intervenantes n’ont pas contesté ces chiffres lors de l’audience ni la réalité de l’effort réalisé par les services de l’Etat dans le contexte actuel de crise sanitaire mais elles soutiennent que cet effort demeure insuffisant au regard de la réalité des besoins des populations en cause ainsi que des moyens d’action dont s’est doté l’Etat dans le cadre de cette crise. Toutefois, outre que les capacités d’hébergement ainsi mobilisées n’ont jamais été aussi importantes, l’administration fait valoir qu’elle poursuit ses efforts pour les accroître encore à brève échéance, notamment par les négociations en cours avec les professionnels des secteurs de l’hôtellerie et des centres de vacances afin d’identifier le plus rapidement possible les disponibilités supplémentaires, sans exclure de recourir à des réquisitions si cela s’avérait nécessaire.

9. S’agissant des structures d’accueil existantes, tels que les centres d’hébergement, il résulte de l’instruction qu’y ont été diffusées des instructions précises relatives à la prévention du covid-19 prescrivant l’observation des mesures d’hygiène et prévoyant la mise en place de zones d’accueil spécifiques pour les personnes présentant des symptômes ne justifiant pas leur hospitalisation. En outre, une trentaine de centres d’hébergement spécialisés pour l’accueil de personnes sans domicile présentant des symptômes ne justifiant pas leur hospitalisation ont en outre été mis en place, représentant un total d’environ 1 300 places dont à peine 20 % sont actuellement occupées. Il appartient, en tout état de cause, aux autorités responsables de ces centres de s’assurer du respect des consignes données pour lutter contre la propagation du virus.

10. En outre, si des structures collectives provisoires telles que des gymnases ont été mobilisées, structures qui, ainsi que le soulignent les requérantes et les intervenantes, apparaissent peu adaptées à la pandémie actuelle, il ressort de l’instruction que ce type d’hébergement ne représente qu’un nombre limité de places, le total théorique d’environ 1 600 places n’étant en pratique que partiellement utilisé. L’administration fait valoir qu’il s’agit d’une solution provisoire à laquelle elle a été contrainte d’avoir recours dans un contexte d’extrême urgence pour être prête à faire face à des situations d’afflux brutal, notamment dans des zones où aucune autre solution n’était immédiatement disponible, mais qui a vocation à ne conserver qu’un rôle résiduel grâce à l’augmentation en cours des capacités d’hébergement dans des hôtels ou dans des centres touristiques, voire par le recours à des réquisitions si cela s’avère nécessaire.

11. S’agissant des personnes sans domicile fixe qui se trouvent encore à la rue, les requérantes et les intervenantes font valoir qu’un certain nombre de ces personnes ont été verbalisées pour manquement au respect de l’obligation de confinement à domicile dans des conditions qui non seulement portent atteinte à leur dignité mais les exposent, en cas de verbalisation renouvelée, à des peines de prison. Toutefois, outre que l’administration soutient qu’il s’agit de cas isolés et non significatifs au plan national liés à l’impératif d’assurer un respect aussi strict que possible de l’obligation de confinement, il résulte des éléments versés au dossier dans le cadre de la prolongation de l’instruction contradictoire décidée à l’issue de l’audience, que la cellule interministérielle de crise covid-19 a, par une note du 31 mars, instruit les agents constatant la présence de sans-abris sur la voie publique, d’une part, de ne procéder à aucune verbalisation, l’obligation de confinement à domicile ne pouvant être appliquée à ces personnes, et, d’autre part, d’alerter de leur situation les services qui leur viennent en aide, tels que le « SAMU social », afin qu’ils se rapprochent d’elles sans délai pour leur apporter assistance et notamment leur permettre de rejoindre un lieu d’accueil temporaire compatible avec les mesures sanitaires.

12. Dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, de carence justifiant que soit ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit au droit à la vie et à la protection de l’intégrité physique et psychique des personnes sans hébergement, la fermeture des lieux d’hébergement collectif existants et la réquisition d’appartements ou de chambres d’hôtel que demandent les requérantes, le juge des référés n’ayant pas à se prononcer sur l’opportunité des décisions de l’autorité administrative.

En ce qui concerne la distribution de masques et les mesures de dépistage :

13. D’une part, s’agissant de la distribution de masques de protection, il résulte de l’instruction qu’une stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée des masques a été mise en place à l’échelle nationale et a fait l’objet d’adaptations en fonction de l’évolution de l’épidémie, visant à assurer en priorité, dans un contexte de forte tension, la fourniture des masques disponibles aux personnels soignants et aux personnels accompagnant à leur domicile certaines personnes vulnérables. A ce titre, l’instruction du 25 mars 2020, qui précise les modalités d’approvisionnement en masques des établissements médico-sociaux prévoit la distribution de masques dans les centres d’hébergement spécialisés pour personnes atteintes de symptômes ne justifiant pas leur hospitalisation. En revanche, ainsi que le déplorent les requérantes et les intervenantes, les personnels accompagnant les personnes sans domicile ne sont pas au nombre de personnes visées par l’article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, auxquelles sont distribuées gratuitement, par l’intermédiaire des officines de pharmacie, les masques de protection issues du stock national. Toutefois, le décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans la lutte contre le virus covid-19 a ouvert aux opérateurs du champ social, dont relèvent les travailleurs sociaux concernés, la possibilité d’importer, avec l’appui de l’Etat, et de distribuer par leurs propres réseaux les masques nécessaires. Cette possibilité est en outre également ouverte aux collectivités territoriales. Dans ces conditions, la non inclusion des travailleurs sociaux dans les publics vises par l’article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à la vie et au respect de leur intégrité physique.

14. D’autre part, s’agissant de la mise en place d’un dépistage systématique des personnes accueillies dans des structures collectives ou y travaillant, que les requérantes et les intervenantes évaluent à plusieurs dizaines de milliers de personnes, il résulte de l’instruction que, face aux tensions resultant des capacités contraintes en termes de dépistage, les autorités ont pris les dispositions nécessaires pour augmenter ces capacités dans les meilleurs délais dans la perspective de la sortie du confinement, et que, en attendant, les tests sont pratiqués selon des critères de priorité constamment ajustés et fixés, en tenant compte de l’avis du haut Conseil de la santé publique. Dans ces conditions, les conclusions aux fins d’injonction tendant à ce qu’il soit procédé à un dépistage systématique de toutes les personnes hébergées ou travaillant dans des structures collectives ne peuvent, en tout état de cause, en l’état de l’instruction et eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qu’être rejetées.

15. En l’absence, en l’état de l’instruction, d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, les demandes présentées au juge des référés du Conseil d’Etat, ne peuvent être accueillies.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, la requête de la Fédération nationale Droit au logement et autres doit être rejetée.  »

***

Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

CE_02042020_n°439763