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Conseil d’Etat, ordonnance du 22 mai 2019 n°429718. MIE afghan a été confié à l’ASE à l’âge de 16 ans. A sollicité à sa majorité une aide provisoire jeune majeur. Le Département a mis fin à sa prise en charge en maintenant à titre dérogatoire la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’alimentation pour une durée d’un mois puis a refusé de prolonger sa prise en charge ; le tribunal administratif lui enjoint de proposer un accompagnement (hébergement, besoins alimentaires et sanitaires, suivi éducatif) dans un délai de trois jours. Eu égard aux difficultés d’insertion sociale de M.X qui est dépourvu de toute ressource et de tout soutien familial et dont l’autonomie est extrêmement restreinte, et alors même qu’il n’était pas en cours de scolarité, le refus du département de lui proposer toute forme d’accompagnement propre à concourir à une réponse globale et adaptée à ses besoins et à assurer la stabilité de sa situation porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Rejette la requête du département.

Publié le : mercredi 24 juillet 2019

Source : Conseil d’Etat

Date : ordonnance du 22 mai 2019 n°429718

Extraits :

« 4. Il résulte de ces dispositions que, si le président du conseil départemental dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, il incombe au président du conseil départemental de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans l’année précédant sa majorité. A ce titre, notamment, il doit veiller à la stabilité du parcours et à l’orientation des mineurs confiés au service et les accompagner vers l’autonomie dans le cadre d’un projet élaboré avec le mineur auquel doivent être associés les institutions et organismes concourant à apporter à ses besoins une réponse globale et adaptée. Lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, il doit en outre proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de ces missions peut, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé, porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

5. Le département de Meurthe-et-Moselle a pris en charge M. X à compter du 28 février 2017 au titre du placement provisoire ordonné par le parquet et de la mesure d’assistance éducative prononcée à son égard jusqu’à sa majorité par le juge des enfants, en application des articles 375 et suivants du code civil. Les différents rapports d’évolution du mineur produits attestent d’une intégration difficile en raison notamment de la barrière de la langue, de son adaptation très progressive à son environnement et d’un besoin constant d’accompagnement. En vue de préparer sa majorité qu’il devait atteindre le 1er mars 2019, le département a convoqué l’intéressé à un entretien, tenu le 7 août 2018 avec l’assistance d’un interprète, à l’issue duquel M. X a indiqué, sur le formulaire prévu à cet effet, qu’il voulait demander l’asile. Par une lettre en date du 16 janvier 2019, le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a informé les services de l’Etat du souhait de l’intéressé de demander l’asile et sollicité par avance auprès des services compétents une place en centre d’accueil des demandeurs d’asile pour M. X dans la perspective du dépôt de sa demande. Un nouveau message électronique en ce sens a été adressé aux services de la préfecture en charge de l’hébergement d’urgence le 1er avril 2019, auquel une réponse négative a été apportée le même jour au motif que M. X ne remplissait aucun des critères de vulnérabilité auxquels se trouve subordonné l’octroi d’un hébergement d’urgence compte tenu de la pénurie dans ce département. Il est constant qu’à la date du 25 mars 2019, postérieure au dépôt de sa demande d’asile, M. X. ne s’était vu proposer aucune solution d’hébergement dans le cadre du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile ou dans le cadre de l’hébergement d’urgence. Si dans ses observations, l’Office français de l’immigration et de l’intégration a indiqué qu’une somme de 426 euros avait été versée à M. X. au titre de l’allocation pour demandeur d’asile pour le mois d’avril 2019 et qu’il allait être orienté vers une place à l’HUDA géré par l’association Accueil et réinsertion sociale à Nancy, disponible à compter du 21 mai, ces informations ont été contestées lors de l’audience par le représentant de M. X. tant en ce qui concerne le versement effectif des sommes qu’en ce qui concerne l’existence d’un accompagnement de l’intéressé dans l’hébergement proposé.

6. Eu égard aux difficultés d’insertion sociale de M. X, qui est dépourvu de toute ressource et de tout soutien familial et dont l’autonomie est extrêmement restreinte, et alors même qu’il n’était pas en cours de scolarité, le refus du département de Meurthe-et-Moselle de lui proposer, après sa prise en charge pendant près de deux ans en qualité de mineur et à l’issue de la période complémentaire d’un mois pendant laquelle il a accepté de financer ses dépenses d’hébergement et d’alimentation, toute forme d’accompagnement, y compris autre qu’une prise en charge au titre du contrat “ jeune majeur “ qu’il avait sollicité, propre à concourir, avec l’ensemble des institutions et organismes compétents, à une réponse globale et adaptée à ses besoins et à assurer la stabilité de sa situation et son accompagnement jusqu’à ce qu’il puisse bénéficier des conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile qu’il incombe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de lui proposer à bref délai en vertu de l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est en l’espèce constitutive d’une carence caractérisée qui, compte tenu des conséquences graves qu’elle entraîne pour M.X, porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, le département de Meurthe-et-Moselle n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a, pour ce motif, enjoint au président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle de proposer à M. X un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement et de prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires ainsi qu’un suivi éducatif. Sa requête tendant à l’annulation de l’ordonnance du 9 janvier 2019 doit par suite être rejetée. Il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. »

Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

CE_22052019_n°429718