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Conseil d’Etat, 23 décembre 2016, Association La Cimade et autres, N° 394819 - Allocation pour demandeur d’asile

Publié le : vendredi 23 décembre 2016

Voir en ligne : http://www.conseil-etat.fr/Decision...

Source : www.conseil-etat.fr

«  Séance du 28 novembre 2016 - Lecture du 23 décembre 2016

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 novembre 2015 et 23 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association La Cimade, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, l’association groupe accueil et solidarité, l’association Dom’Asile et le Groupe d’information et soutien des immigrés demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 relatif à l’allocation pour demandeur d’asile ;

2°) d’enjoindre au Premier ministre de fixer un montant additionnel de l’allocation pour demandeur d’asile suffisant pour permettre aux demandeurs non hébergés de se loger dans le parc privé ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code civil ;
- le code de l’action sociale et des familles ;
- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de l’association La Cimade et autres ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, créé par l’article 23 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile : « Le demandeur d’asile qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées en application de l’article L. 744-1 bénéficie d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des conditions d’âge et de ressources. L’Office français de l’immigration et de l’intégration ordonne son versement dans l’attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l’asile ou jusqu’à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile (…)/ Un décret définit le barème de l’allocation pour demandeur d’asile, en prenant en compte les ressources de l’intéressé, son mode d’hébergement et, le cas échéant, les prestations offertes par son lieu d’hébergement. Le barème de l’allocation pour demandeur d’asile prend en compte le nombre d’adultes et d’enfants composant la famille du demandeur d’asile et accompagnant celui-ci./ Ce décret précise, en outre, les modalités de versement de l’allocation pour demandeur d’asile » ; que l’association La Cimade, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, l’association groupe accueil et solidarité, l’association Dom’Asile et le Groupe d’information et de soutien des immigrés demandent l’annulation du décret du 21 octobre 2015 pris pour l’application de ces dispositions ;

En ce qui concerne les demandeurs d’asile mineurs :

2. Considérant que l’article D. 744-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article 1er du décret attaqué, prévoit que : « Pour bénéficier de l’allocation pour demandeur d’asile, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article D. 744 17 doivent être âgées de dix-huit ans révolus » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale : « 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale./ 2. Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale./ Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes vulnérables, conformément à l’article 21 » ; qu’aux termes de l’article 21 de cette directive : « Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine » ; qu’aux termes de l’article 23 de la même directive : « 1. L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les États membres lors de la transposition des dispositions de la présente directive relatives aux mineurs. Les États membres garantissent un niveau de vie adéquat pour le développement physique, mental, spirituel, moral et social du mineur » ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 375 du code civil : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (…) » ; que l’article 375-3 de ce code prévoit que : « Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier :/ (…) 3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (…) » ; que l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes :/ (…) 4° Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 222-5 du même code : « Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : (…)/ 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l’article 375-3 du code civil (…) » ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il incombe au service de l’aide sociale à l’enfance des départements de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs étrangers qui sollicitent l’asile et sont privés de la protection de leur famille ; que, par suite, l’exclusion des demandeurs d’asile mineurs du bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile, prévue par le décret attaqué, ne méconnaît pas les objectifs de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que cette exclusion ne peut davantage être regardée comme contraire à l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

En ce qui concerne les modalités de versement de l’allocation pour demandeur d’asile :

6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 17 de la directive 2013/33/UE : « 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale./ 3. Les États membres peuvent subordonner l’octroi de tout ou partie des conditions matérielles d’accueil et des soins de santé à la condition que les demandeurs ne disposent pas de moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adapté à leur santé et pour pouvoir assurer leur subsistance » ; qu’aux termes du troisième paragraphe de l’article 7 de la directive : « 3. Les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d’accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national » ; que les dispositions du premier paragraphe de l’article 17 de la directive ne font pas obstacle à ce que les Etats membres subordonnent, conformément au troisième paragraphe de ce même article et au troisième paragraphe de l’article 7, l’octroi des aides matérielles aux demandeurs d’asile à l’acceptation d’une offre d’hébergement et au contrôle des ressources dont ils bénéficient ;

7. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Les conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile, au sens de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration après l’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité administrative compétente, en application du présent chapitre » ; qu’en vertu de l’article D. 744-17 de ce code, issu de l’article premier du décret attaqué, pour bénéficier de l’allocation pour demandeur d’asile, les demandeurs doivent être « titulaires de l’attestation de demande d’asile », laquelle est délivrée, selon l’article L. 741-1 du même code, une fois l’enregistrement de la demande effectuée ; que, selon les articles D. 744-19 et D. 744-33 du code, issus de l’article premier du décret attaqué, l’allocation pour demandeur d’asile est due à compter de l’acceptation des conditions matérielles d’accueil et elle est versée mensuellement à terme échu par alimentation d’une carte de retrait après la transmission des données nécessaires par l’Office français de l’immigration et de l’intégration à l’Agence de services et de paiement, chargée de verser cette allocation aux bénéficiaires ; que ces modalités d’ouverture des droits et de versement de l’allocation répondent à la nécessité de vérifier que le demandeur d’asile accepte les conditions matérielles d’accueil, notamment l’offre d’hébergement qui lui est faite, de contrôler les ressources du demandeur et d’organiser le versement de l’allocation ; que, dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

En ce qui concerne les mesures transitoires :

8. Considérant, en premier lieu, que l’exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu’il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation ; qu’en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s’appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de sécurité juridique et au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que si les associations requérantes soutiennent que le décret attaqué aurait dû prévoir un régime transitoire pour les bénéficiaires de l’allocation mensuelle de subsistance, qui était versée aux demandeurs d’asile hébergés en centre d’accueil pour demandeurs d’asile avant l’instauration de l’allocation pour demandeur d’asile, les dispositions litigieuses n’impliquaient pas, eu égard à leur nature et à leur ampleur, de telles mesures transitoires ; qu’au demeurant, comme l’indiquent les associations requérantes, un dispositif administratif a été mis en place pour que les centres d’accueil pour demandeurs d’asile qui avaient pris l’habitude de verser l’ancienne allocation en début de mois puissent verser des avances aux demandeurs d’asile qui pourraient éprouver des difficultés de trésorerie en raison du passage, au cours des mois d’octobre et novembre 2015, de l’allocation mensuelle de subsistance à l’allocation pour demandeur d’asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait dû prévoir des mesures transitoires spécifiques pour ces bénéficiaires ne peut qu’être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que si les associations requérantes soutiennent que, faute d’étendre aux demandeurs d’asile non hébergés la possibilité de conserver le bénéfice du montant versé au titre de l’allocation temporaire d’attente au 1er novembre 2015, l’article 3 du décret attaqué méconnaît le principe d’égalité, un tel moyen doit être écarté, dès lors que le décret prévoit qu’un montant journalier additionnel est versé aux demandeurs d’asile non hébergés dans le cadre de l’allocation pour demandeur d’asile alors que l’allocation temporaire d’attente ne prévoyait aucun montant supplémentaire pour ces demandeurs ;

En ce qui concerne la limitation et le retrait des conditions matérielles d’accueil  :

10. Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, la directive 2013/33/UE ne fait pas obstacle à ce que les Etats membres subordonnent l’octroi des conditions matérielles d’accueil, notamment le bénéfice d’une allocation financière, à l’acceptation par les demandeurs d’asile de l’offre d’hébergement qui leur est faite ; que, par suite, et en tout état de cause, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui subordonnent le versement de l’allocation pour demandeur d’asile à l’acceptation par le demandeur d’asile des conditions matérielles d’accueil qui lui sont proposées, sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE ainsi qu’avec les articles 1er et 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le bénéfice des conditions matérielles d’accueil peut être :/ 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d’asile a abandonné son lieu d’hébergement déterminé en application de l’article L. 744-7, n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’informations ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile ;/ 2° Retiré si le demandeur d’asile a dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement ;/ 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d’asile ou s’il n’a pas sollicité l’asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l’article L. 723-2./ (…) Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d’accueil a été suspendu, le demandeur d’asile peut en demander le rétablissement à l’Office français de l’immigration et de l’intégration » ; que les cas de suspension, de retrait et de refus du bénéfice des conditions matérielles d’accueil prévus par ces dispositions correspondent aux hypothèses fixées à l’article 20 de la directive 2013/33/UE dans lesquelles les Etats membres peuvent « limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil » ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des articles D. 744-35 à D. 744-38 du même code prises sur son fondement seraient incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE ne peut qu’être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu des dispositions précitées de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil peut être « suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d’asile a abandonné son lieu d’hébergement déterminé en application de l’article L. 744-7 (…) » ; que le II de l’article R. 744-9 de ce code, issu de l’article 20 du décret du 21 septembre 2015 pris pour l’application de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, précise que « pour l’application du 1° de l’article L. 744-8, un demandeur d’asile est considéré comme ayant abandonné son lieu d’hébergement s’il s’en absente plus d’une semaine sans justification valable » ; que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, ces dispositions, qui portent sur la suspension du bénéfice de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil, ne font pas obstacle à ce que l’article D. 744-35 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article premier du décret attaqué, prévoie que « le versement de l’allocation peut être suspendu lorsqu’un bénéficiaire, (…) sans motif légitime, a abandonné son lieu d’hébergement (…) ou s’est absenté du lieu d’hébergement sans justification valable pendant plus de cinq jours (…) » ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, aucune disposition de la directive 2013/33/UE n’impose aux Etats membres de prévoir que les décisions de refus, de suspension ou de retrait des conditions matérielles d’accueil, qui sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, comportent l’indication des voies et délais de recours ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que l’incompatibilité d’une disposition législative avec une directive européenne ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si elle en constitue la base légale ; qu’il suit de là que les associations requérantes ne peuvent, à l’appui de leurs conclusions dirigées contre le décret contesté, utilement contester, par la voie de l’exception, la compatibilité de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique avec les objectifs de la directive 2013/33/UE ;

En ce qui concerne l’application du décret attaqué à Mayotte  :

15. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile « Pour l’application du présent livre à Mayotte : (…) 5° L’article L. 744-9 est ainsi rédigé :/ Art. L. 744-9.-Le demandeur d’asile dont la demande est enregistrée à Mayotte peut bénéficier d’un hébergement dans une structure mentionnée au 2° de l’article L. 744-3 et des aides matérielles (…) » ; que si les associations requérantes soutiennent que ces dispositions méconnaissent les objectifs de la directive 2013/33/UE, ce moyen est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l’article D. 761-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article 4 du décret attaqué, qui se borne à prévoir que les dispositions relatives à l’allocation pour demandeur d’asile ne sont pas applicables à Mayotte ;

En ce qui concerne le montant de l’allocation pour demandeur d’asile :

16. Considérant que le cinquième alinéa de l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit qu’« un décret définit le barème de l’allocation pour demandeur d’asile, en prenant en compte les ressources de l’intéressé, son mode d’hébergement et, le cas échéant, les prestations offertes par son lieu d’hébergement » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article D. 744-26 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article premier du décret attaqué : « En application du cinquième alinéa de l’article L. 744-9, l’allocation pour demandeur d’asile est composée d’un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer, et, le cas échéant, d’un montant additionnel dans le cas où le demandeur d’asile n’est pas hébergé » ; que l’annexe 7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article 2 du décret contesté, fixe le barème de l’allocation pour demandeur d’asile ; que les deux premiers alinéas de cette annexe fixent le montant journalier forfaitaire de l’allocation pour demandeur d’asile, qui est de 6,80 euros pour une personne seule et varie en fonction de la composition de la famille du demandeur d’asile ; que le dernier alinéa de cette annexe prévoit qu’« un montant journalier additionnel de 4,20 € est versé à chaque demandeur d’asile adulte ayant accepté l’offre de prise en charge, auquel aucune place d’hébergement ne peut être proposée dans un des lieux mentionnés à l’article L. 744-3 et qui n’est pas hébergé en application des dispositions de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles » ;

17. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe 5 de l’article 17 de la directive 2013/33/UE prévoit que « les États membres peuvent accorder aux demandeurs un traitement moins favorable que celui accordé à leurs ressortissants à cet égard, en particulier lorsqu’une aide matérielle est fournie en partie en nature ou lorsque ce ou ces niveaux appliqués à leurs ressortissants visent à garantir un niveau de vie plus élevé que celui exigé pour les demandeurs au titre de la présente directive » ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le barème de l’allocation pour demandeur d’asile fixé à l’annexe 7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers méconnait les objectifs de cette directive au seul motif qu’il fixe le montant de l’allocation pour demandeur d’asile à un niveau inférieur à celui du revenu de solidarité active ne peut qu’être écarté ;

18. Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile citées au point 15 ci-dessus imposent au pouvoir réglementaire de prendre en compte, dans le barème de l’allocation pour demandeur d’asile, la situation des demandeurs d’asile auxquels aucune solution d’hébergement n’est proposée, elles ne l’obligent pas, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, à moduler le montant de l’allocation pour demandeur d’asile pour tenir compte des prestations offertes par son lieu d’hébergement ; que, par suite, le décret attaqué pouvait légalement retenir un barème unique de l’allocation pour demandeur d’asile et ne pas prévoir des montants différents selon que le demandeur d’asile est hébergé en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, dans une structure bénéficiant de financements du ministère chargé de l’asile pour l’accueil de demandeurs d’asile relevant du 2° de l’article L. 744-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence relevant de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles ;

19. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 17 de la directive 2013/33/UE : « (…) 2. Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale. (…)/ 5. Lorsque les États membres octroient les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, le montant de ceux-ci est fixé en fonction du ou des niveaux établis dans l’État membre concerné, soit par le droit, soit par la pratique, pour garantir un niveau de vie adéquat à ses ressortissants » ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’un Etat membre n’est pas en mesure d’offrir à un demandeur d’asile une solution d’hébergement en nature, il doit lui verser une allocation financière d’un montant suffisant pour lui permettre de disposer d’un logement sur le marché privé de la location ;

20. Considérant qu’il ressort des dispositions de l’annexe 7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que le montant journalier additionnel est destiné à permettre aux demandeurs d’asile à qui aucune solution d’hébergement n’est proposée de se loger par leurs propres moyens, le cas échéant, sur le marché privé de la location ; que, toutefois, le montant additionnel de 4,20 euros prévu par le décret attaqué est manifestement insuffisant pour permettre à un demandeur d’asile de disposer d’un logement sur le marché privé de la location ; que, par suite, les associations requérantes sont fondées à demander l’annulation du décret du 21 octobre 2015 en tant qu’il ne fixe pas un montant suffisant pour permettre aux demandeurs d’asile à qui aucune solution d’hébergement en nature n’est proposée de disposer d’un logement sur le marché privé de la location ;

21. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont fondées à demander l’annulation du décret attaqué qu’en tant que l’article 2 ne fixe pas au dernier alinéa de l’annexe 7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un montant journalier additionnel suffisant pour permettre aux demandeurs d’asile adultes ayant accepté une offre de prise en charge et auxquels aucune place d’hébergement ne peut être proposée de disposer d’un logement sur le marché privé de la location ;

En ce qui concerne les conséquences de l’illégalité du décret attaqué et les conclusions aux fins d’injonction :

22. Considérant que, compte tenu des effets excessifs de l’annulation rétroactive des dispositions du dernier alinéa de l’annexe 7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des risques qu’elle comporterait pour la situation des demandeurs d’asile qui perçoivent le montant journalier additionnel de 4,20 euros lorsqu’ils ne peuvent être hébergés alors qu’ils ont accepté l’offre de prise en charge qui leur a été faite, il y a lieu de n’en prononcer l’annulation qu’à compter de la notification de la présente décision ; qu’il y a lieu, par ailleurs, d’enjoindre au Premier ministre de fixer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, un montant additionnel suffisant pour permettre, à compter de sa décision à intervenir, aux demandeurs d’asile adultes à qui aucune solution d’hébergement n’est proposée de disposer d’un logement sur le marché privé de la location ;

En ce qui concerne les conclusions des associations requérantes présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser l’association La Cimade et autres, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E  :

Article 1er  : Le décret du 21 octobre 2015 relatif à l’allocation pour demandeur d’asile est annulé en tant que son article 2 ne fixe pas au dernier alinéa de l’annexe 7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un montant journalier additionnel suffisant pour permettre aux demandeurs d’asile adultes ayant accepté une offre de prise en charge et auxquels aucune place d’hébergement ne peut être proposée de disposer d’un logement sur le marché privé de la location. Cette annulation prendra effet à compter de la notification de la présente décision.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre les mesures réglementaires fixées au point 21 de la présente décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3  : L’Etat versera à l’association La Cimade et autres la somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5  : La présente décision sera notifiée à l’association La Cimade, à la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, à l’association groupe accueil et solidarité, à l’association Dom’Asile, au Groupe d’information et soutien des immigrés, au ministre de l’intérieur et au Premier ministre. »