InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Actualités MIE > Actualités jurisprudentielles > Cour administrative d’appel de Nantes – 3e Chambre – Arrêt N°22NT01036 du 30 (...)

Cour administrative d’appel de Nantes – 3e Chambre – Arrêt N°22NT01036 du 30 septembre 2022 – Annulation du refus de titre de séjour - La falsification de l’acte de naissance et de l’extrait d’acte de naissance en litige n’est pas de nature à remettre en cause la validité du jugement supplétif rendu avant que ces actes ne soient dressés - Inexacte application de l’article 47 du code civil

Publié le : mercredi 4 janvier 2023

Résumé :

La Cour annule l’arrêté du préfet de la Sarthe par lequel il refuse à l’intéressé la délivrance d’un titre de séjour (sollicitée sur le fondement de l’article L. 313-15 – devenu L. 435-3 du CESEDA) et lui fait obligation de quitter le territoire français.

La Cour retient que c’est à tort que le préfet a refusé de délivrer le titre de séjour en se fondant sur l’absence de justification de son état civil et de sa minorité, au motif qu’il n’a pas rapporté la preuve, dont la charge lui incombe, de la fraude alléguée qui entacherait le jugement supplétif.

En effet, le préfet avait fondé sa décision sur la falsification de l’acte de naissance et de l’extrait d’acte de naissance en litige qui serait de nature à remettre en cause la validité du jugement supplétif alors que ce dernier avait été rendu avant que ces actes ne soient dressés. La cour précise que les mentions portées sur le jugement supplétif, l’acte de naissance, l’extrait de naissance, le passeport et la carte consulaire de l’intéressé sont, par ailleurs, concordantes.

L’ancien article L 111-6 du CESEDA est remplacé par le nouvel article L 811-2 du CESEDA en vigueur le 1er mai 2021 :

Article L 811-2 : “La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil."

Extraits de l’arrêt :

"6. Par ailleurs, en vertu de l’article L. 111-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil () ". Selon l’article 47 du code civil : " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dernières dispositions que la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Enfin, il n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

7. M. C a produit à l’appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif du 20 novembre 2017, un acte de naissance du 23 novembre 2017, un extrait de naissance du même jour, ainsi qu’une carte consulaire délivrée le 27 août 2018 et un passeport délivré le
28 février 2019. Le préfet a toutefois estimé que ces documents ne permettaient pas de justifier de l’état civil et de l’âge du requérant, en se fondant sur cinq rapports simplifiés d’analyse documentaire défavorables réalisés le 9 novembre 2020 par la cellule " fraude documentaire " de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Nantes. Selon ces rapports, l’acte de naissance et l’extrait d’acte de naissance ont été falsifiés, ce qui rend irrecevables comme justificatifs d’identité notamment le jugement supplétif et la carte d’identité consulaire, qui ont été transmis avec ces documents.

8. Toutefois, l’administration, qui s’est appropriée le sens de ces rapports, ne conteste pas la valeur probante du jugement supplétif en lui-même. Elle ne précise pas comment la falsification de l’acte de naissance et de l’extrait d’acte de naissance en litige serait de nature à remettre en cause la validité du jugement supplétif qui a été rendu avant que ces actes soient dressés. Les mentions portées sur le jugement supplétif, l’acte de naissance, l’extrait de naissance, le passeport et la carte consulaire de l’intéressé sont, par ailleurs, concordantes. Dans ces conditions, l’administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, dont la charge lui incombe, de la fraude alléguée qui entacherait le jugement supplétif. Par suite, le préfet de la Sarthe, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, au motif que M. C ne justifiait pas de son état civil et de sa minorité au moment de son placement auprès des services de l’aide sociale à l’enfance, a, ainsi que le soutient ce dernier, fait une inexacte application des dispositions précitées.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que M. C est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du refus de titre de séjour du 24 décembre 2020 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. "

Cour administrative d’appel de Nantes – 3e Chambre – Arrêt N°22NT01036 du 30 septembre 2022