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Tribunal judiciaire de Rouen, Juge des libertés et de la détention, ordonnance du 30 janvier 2020 n° RG 20/00227 et 20/00231. Ressortissant albanais retenu en centre de rétention administrative accompagné de son enfant de 15 mois depuis le 28/01/2020. Le Juge relève que "l’enfermement est de nature à porter une atteinte à leurs droits fondamentaux, en raison des conditions de vie anormales imposées à un très jeune enfant ; qu’au delà d’une brève période, les contraintes inhérentes à un lieu privatif de liberté, particulièrement lourdes pour un jeune enfant, ainsi que les conditions d’organisation du centre ont nécessairement un effet anxiogène ; que par ailleurs, l’imposition des conditions d’enfermement et l’exposition à la souffrance morale et psychique de ses parents ne lui permettent pas de prendre la distance indispensable ; qu’il sera donc considéré l’existence d’une disproportion entre le but poursuivi, à savoir l’éloignement de la famille, et les moyens mis en oeuvre pour y parvenir, la situation d’extrême vulnérabilité des enfants devant prédominer sur la qualité d’étranger en situation irrégulière des parents (...) les circonstances de fait tenant à la durée déjà écoulée de la mesure de rétention, au très jeune âge de l’enfant et aux conditions d’enfermement, suffisent à conclure à une disproportion entre le but poursuivi et les atteintes aux standards internationaux". Le Juge ordonne la remise en liberté de M.X et lui rappelle son obligation de quitter le territoire.

Publié le : mardi 4 février 2020

Source : Tribunal judiciaire de Rouen, Juge des libertés et de la détention

Date : ordonnance du 30 janvier 2020 n° RG 20/00227 et 20/00231

Extraits :

« Attendu qu’en l’espèce, M.X a été placé en rétention à compter du 27 janvier 2020 à 20h20 ; qu’il est âgé de son fils mineur, né en octobre 2018, âgé de 15 mois ; qu’il ressort de l’audience que la famille est accueillie dans la zone de rétention femmes, avec à sa disposition quelques équipements de puériculture (un lit pour enfant, une chaise haute, une baignoire pour enfants) ; que toutefois, au delà de l’aspect matériel, la présente juridiction doit prendre en considération le fait que les conditions d’enfermement sont propres à être sources d’angoisse et de stress pour l’enfant et ses parents, dont le rythme de vie est celui imposé aux femmes présentes et retenues avec eux, au nombre de 9, et qui ne disposent comme espace de sortie qu’un patio intérieur grillagé ; qu’à la date de l’audience, soit le 30 janvier 2020, la famille est retenue depuis quasiment 4 jours ; que la Préfecture, si elle produit un accusé de réception de routing d’éloignement soulignant l’urgence de la situation, n’a pas été en mesure d’indiquer précisément à quelle date un nouveau vol pourrait être réalisé ; que cette absence de prévisibilité est de nature à renforcer l’angoisse de la famille ; qu’il sera par ailleurs relevé que l’enfant est malade depuis le 28 janvier 2020 ; qu’une rhinopharyngite simple a été diagnostiquée ; qu’une perte de poids a été constatée entre le 21 janvier 2020 et le 28 janvier 2020 ; que si Monsieur X et son fils sont accueillis dans un centre habilité à recevoir des familles, l’enfermement est de nature à porter une atteinte à leurs droits fondamentaux, en raison des conditions de vie anormales imposées à un très jeune enfant ; qu’au delà d’une brève période, les contraintes inhérentes à un lieu privatif de liberté, particulièrement lourdes pour un jeune enfant, ainsi que les conditions d’organisation du centre ont nécessairement un effet anxiogène ; que par ailleurs, l’imposition des conditions d’enfermement et l’exposition à la souffrance morale et psychique de ses parents ne lui permettent pas de prendre la distance indispensable ; qu’il sera donc considéré l’existence d’une disproportion entre le but poursuivi, à savoir l’éloignement de la famille, et les moyens mis en oeuvre pour y parvenir, la situation d’extrême vulnérabilité des enfants devant prédominer sur la qualité d’étranger en situation irrégulière des parents ; qu’en conséquence, le placement en rétention administrative d’un étranger en situation irrégulière accompagné de son enfant mineur devant rester une mesure exceptionnelle, les circonstances de fait tenant à la durée déjà écoulée de la mesure de rétention, au très jeune âge de l’enfant et aux conditions d’enfermement, suffisent à conclure à une disproportion entre le but poursuivi et les atteintes aux standards internationaux, le seuil de gravité des atteintes aux articles précités étant dépassé ;

Attendu que M.X sera par suite remis en liberté, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués. »

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Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

JLD_Rouen_30012020_n°RG_20/00227_20/00231