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Cour européenne des droits de l’Homme, cinquième section, affaire M.D. c. France (Requête no 50376/13), arrêt du 10 octobre 2019. MIE guinéen confié à l’aide sociale à l’enfance par décision de justice. La Cour d’appel considère qu’en l’absence de document fiable permettant de déterminer son âge, aucun élément n’empêche de retenir le résultat des tests osseux (19 ans) et lève le placement. M. X parvient à obtenir un passeport des autorités guinéennes, confirmant son état civil de mineur. Au regard de ce passeport, le juge des enfants prend à son égard une mesure d’assistance éducative jusqu’à sa majorité. La Cour relève que dès l’instant où les juridictions françaises l’ont considéré comme mineur, M.D. a bénéficié d’une prise en charge complète. Lorsqu’il a été jugé majeur par l’arrêt de la cour d’appel, la Cour considère que cette période d’environ 14 mois a certes été difficile, mais n’a pas constitué pour l’intéressé un traitement contraire à l’article 3 CEDH.

Publié le : jeudi 10 octobre 2019

Source : Cour européenne des droits de l’Homme, cinquième section

Date : affaire M.D. c. France (Requête no 50376/13), arrêt du 10 octobre 2019

Extraits :

«  EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE l’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

67. Le requérant allègue avoir été abandonné par les autorités internes dans une situation matérielle précaire, alors qu’en sa qualité de mineur isolé étranger, plus aucun recours ne lui était ouvert. Il invoque les articles 3 et 13 de la Convention, qui sont ainsi rédigés :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions. »

68. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

69. La Cour, rappelant qu’elle est maîtresse de la qualification juridique des faits et constatant, eu égard aux échanges d’observations entre les parties, que ces griefs se confondent, juge approprié d’examiner les allégations du requérant sous l’angle de l’article 3 de la Convention uniquement (voir, par exemple, Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 55, CEDH 2015). Elle s’attachera en conséquence à rechercher si l’État défendeur a manqué aux obligations résultant de cette disposition à l’égard du requérant.

A. Sur la recevabilité

70. Le Gouvernement soulève des exceptions d’irrecevabilité tenant au caractère abusif de la requête et au non-épuisement des voies de recours internes.

1. Sur le caractère abusif de la requête

71. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la présente requête comme abusive. Il reproche au requérant de n’avoir informé la Cour ni de son admission à l’internat du lycée, ni de ce que cette admission avait été financée par une subvention exceptionnelle votée par le Conseil général. Le Gouvernement lui reproche également de ne pas expliquer les raisons pour lesquelles il a omis d’informer la Cour, d’une part, de ce qu’entre le 5 juillet et le 4 novembre 2013, le service d’hébergement d’urgence du « 115 » a pris en charge son hébergement durant 75 nuits et, d’autre part, de ce qu’il n’a plus sollicité ce service après le 4 novembre 2013.

72. Le requérant conteste la thèse du Gouvernement. Il indique avoir divulgué à la Cour toutes les informations pertinentes et, qu’en tout état de cause, son admission comme interne au lycée est postérieure à la l’introduction de sa requête, date à laquelle les violations commises doivent être appréciées.

73. La Cour se réfère aux principes généraux concernant l’abus du droit de recours individuel tels qu’exposés dans l’arrêt Gross c. Suisse [GC] (no 67810/10, § 28, CEDH 2014).

74. En l’espèce, s’il est regrettable que les informations transmises par le requérant l’aient parfois été de façon parcellaire et avec retard, la Cour n’estime cependant pas établie avec suffisamment de certitude l’intention de celui-ci d’induire la Cour en erreur (voir a contrario Gross c. Suisse, précité, § 28).

75. Il y a donc lieu de rejeter cette exception.

2. Sur l’épuisement des voies de recours internes

76. Le Gouvernement considère que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes. Il souligne que ce dernier ne s’est pas pourvu en cassation contre l’arrêt rendu le 4 juin 2013 par la cour d’appel (voir paragraphe 13 ci-dessus) alors qu’en application de l’article 609 du code de procédure civile (voir paragraphes 62 à 64 ci-dessus), cette voie de recours lui était ouverte. Le Gouvernement se réfère sur ce point à l’arrêt rendu le 11 juillet 2006 par la Cour de cassation (voir paragraphe 65 ci‑dessus).

77. Par ailleurs, le Gouvernement fait valoir que le requérant pouvait, après s’être vu refuser le 11 juillet 2013 l’autorisation d’assigner d’heure à heure le Conseil général (voir paragraphe 16 ci-dessus), saisir le tribunal d’instance par assignation simple. En outre, le Gouvernement constate que le requérant a saisi la Cour le 6 août 2013 sans attendre que le juge des enfants se prononce sur sa requête aux fins d’assistance éducative (voir paragraphe 17 ci-dessus).

78. Le requérant conteste la thèse du Gouvernement.

79. La Cour se réfère aux principes généraux tels qu’exposés dans l’arrêt Vučković et autres c. Serbie (no 7153/11 et 29 autres, §§ 69 à 75, 28 août 2012). Par ailleurs, elle rappelle qu’un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 39, CEDH 1999‑III).

80. En l’espèce, la Cour constate que le requérant ne s’est pas pourvu en cassation contre l’arrêt du 4 juin 2013. Elle relève que le Gouvernement se prévaut des dispositions de l’article 609 du code de procédure civile (voir paragraphes 62 à 64). La Cour note ensuite que l’arrêt cité par le Gouvernement pour asseoir sa démonstration selon laquelle le recours dont il s’agit était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits concerne la possibilité pour un majeur placé sous le régime de la tutelle par le juge des tutelles de former un pourvoi en cassation et ne concerne pas, comme en l’espèce, un mineur (voir paragraphe 65 ci-dessus). La Cour en conclut que dans ces circonstances, le Gouvernement ne démontre pas que le recours en cassation était un recours accessible au requérant.

81. S’agissant de la possibilité pour le requérant de saisir le tribunal d’instance, la Cour observe que celui-ci a fait usage de l’une des voies de droit qui lui étaient ouvertes pour obtenir la protection des autorités françaises, à savoir la saisine du juge des tutelles des mineurs (voir paragraphe 10 et paragraphes 51 à 57 ci-dessus). La Cour estime que l’on ne saurait reprocher au requérant d’avoir poursuivi un seul type de recours et de n’avoir saisi le juge des enfants que quelques jours avant l’introduction de la présente requête. La Cour considère en effet qu’il ne lui appartient pas d’affirmer qu’une voie de droit serait, à l’égard du requérant, plus opportune qu’une autre dès lors que la voie de recours poursuivie par ce dernier était effective, à savoir que, s’agissant d’un mineur isolé étranger, elle permettait à l’État de remédier à sa situation précaire sur le territoire, en lui nommant un tuteur chargé de le protéger et d’assurer, le cas échéant, la gestion de ses biens.

82. Au vu de ce qui précède la Cour considère que l’exception tenant au non‑épuisement des voies de recours internes doit également être rejetée.

3. Conclusion

83. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) Le requérant

84. Le requérant allègue avoir été abandonné par les autorités internes dans une situation matérielle précaire malgré sa situation de mineur isolé étranger.

85. Il indique qu’après l’infirmation, le 4 juin 2013, par la cour d’appel de l’ordonnance du 28 septembre 2012 confiant sa tutelle au président du Conseil général, il a été expulsé le 5 juillet 2013 de l’appartement dans lequel il était hébergé et que la formation professionnelle qu’il suivait a pris fin. À compter du 5 juillet 2013, il a été contraint plusieurs fois de dormir à la rue, ne pouvant pas être hébergé quotidiennement par le « 115 » du fait du manque de place.

86. En réponse aux arguments du Gouvernement, le requérant affirme que l’ensemble des violations qu’il a subies et dont il se plaint ont été commises alors qu’il était mineur. Il souligne d’ailleurs qu’aucun doute n’est permis sur ce point depuis la décision du 31 juillet 2014 rendue par le juge des enfants (voir paragraphe 22 ci-dessus).

87. Le requérant soutient que les autorités françaises ne peuvent tirer avantage de la circonstance qu’elles ont effectué pour son compte, le 19 juin 2013, une demande d’admission au séjour au titre de l’asile. Il estime, en effet, qu’il était encore sous la tutelle du président du Conseil général, l’arrêt du 4 juin 2013 (voir paragraphes 13 et 14 ci-dessus) ne lui ayant pas encore été notifié et, qu’en conséquence, les autorités n’ont fait que se conformer à leurs obligations à son encontre. Le requérant précise également que le code du travail exclut les mineurs du champ des bénéficiaires de l’allocation temporaire d’attente (ATA). Enfin, il affirme que le 5 juillet 2013, il a été sommé de quitter l’appartement qu’il occupait au foyer. Devant son refus d’en rendre les clefs, les serrures ont été changées hors de sa présence, violant ainsi son domicile et rendant difficile la récupération de ses effets personnels.

Expulsé de son logement, sans aucune solution d’hébergement, il n’a bénéficié d’aucun accompagnement social même à titre transitoire. Mineur isolé étranger, il a ainsi été livré à lui-même sans protection et il a été contraint pour être hébergé de recourir quotidiennement au « 115 » ainsi qu’à l’aide d’un réseau associatif. Le requérant précise que son admission au lycée résulte de l’action de ce réseau. Il souligne que, pendant le premier mois de cours, en septembre 2013, il a été contraint de dormir dans le hall du CHU dont l’accès lui a été ensuite refusé. Bien qu’admis à l’internat, il a été dans l’obligation de faire appel au « 115 » et à un réseau associatif pour ne pas dormir à la rue certains week-ends et pendant les vacances scolaires. Cette situation d’extrême précarité lui a été d’autant plus préjudiciable que son état de santé nécessitait une opération chirurgicale à la jambe gauche qu’il a finalement pu subir le 9 octobre 2013 en devant toutefois se faire passer pour majeur.

88. Le requérant conclut dès lors, qu’en sa double qualité de demandeur d’asile et de mineur isolé étranger, il s’est trouvé dans une situation comparable à celle des requérants dans les arrêts M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, CEDH 2011 et Rahimi c. Grèce, no 8687/08, 5 avril 2011).

(...)

2. Appréciation de la Cour

93. La Cour a dit à de nombreuses reprises que pour tomber sous le coup de l’interdiction contenue à l’article 3 de la Convention, un traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, et notamment de la durée du traitement, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (M.S.S. c. Belgique et Grèce précité, § 219, Svinarenko et Slyadnev c. Russie [GC], nos 32541/08 et 43441/08, § 114, 17 juillet 2014 et Tarakhel c. Suisse [GC], no 29217/12, § 94, CEDH 2014 (extraits).

94. Par ailleurs, la Cour rappelle que dans les affaires relatives à l’accueil d’étrangers mineurs, accompagnés ou non accompagnés, il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal (voir, par exemple, Rahimi c. Grèce, précité, N.T.P. et autres c. France, no 68862/13, § 44, 24 mai 2018 et la jurisprudence citée et Khan c. France, no 12267/16, § 73 à 75, 28 février 2019).

(...)

a) La situation du requérant pendant la période où, malgré les doutes existant quant à son âge, il a été regardé comme mineur

99. À la suite de l’ordonnance du 28 septembre 2012 (voir paragraphe 10 ci-dessus), le requérant, reconnu mineur, a été immédiatement confié à la tutelle du président du Conseil général et ce, jusqu’à l’infirmation de cette décision par la cour d’appel le 4 juin 2013. A cette date, le requérant a été jugé majeur.

100. La Cour relève donc que, dès l’instant où les juridictions françaises ont considéré le requérant comme mineur, il a bénéficié d’une prise en charge complète qui s’est traduite par la désignation d’un représentant légal, la mise à disposition d’un hébergement et sa scolarisation dans une filière lui offrant la possibilité d’acquérir une compétence professionnelle.

101. Par conséquent, la Cour note que les autorités, qui ont exécuté la décision du 28 septembre 2012, ont fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection du requérant qui pesait sur l’État défendeur s’agissant d’un mineur isolé étranger en situation irrégulière, c’est-à-dire d’un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société (voir par exemple, N.T.P. et autres c. France, précité, § 44, ainsi que les arrêts auxquels il renvoie, et Rahimi c. Grèce, précité, § 87). La Cour ne saurait donc assimiler la situation du requérant à celle de l’arrêt Rahimi c. Grèce précité.

102. Dans ces conditions, la Cour considère que la situation du requérant, pendant cette période, ne constituait pas un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

b) La situation du requérant pendant la période où il a été regardé comme majeur, faute pour lui de rapporter la preuve de sa minorité

103. La Cour note tout d’abord que la minorité est une condition d’accès au dispositif de protection de l’enfance (voir paragraphes 45 à 50 ci-dessus). La Cour remarque, par ailleurs, qu’en cas de majorité avérée d’un étranger s’étant présenté comme mineur isolé, les autorités françaises sont déliées de toute obligation spécifique de prise en charge et de protection attachée spécifiquement à l’état de minorité.

104. En l’espèce, la cour d’appel a jugé le 4 juin 2013 que le requérant était majeur. Les autorités françaises étaient donc fondées à le considérer comme majeur dès cette date. Pour ces dernières, cette situation a perduré jusqu’au 31 juillet 2014, date de l’ordonnance du juge des enfants (voir paragraphe 22 ci-dessus).

105. Concernant la période du 4 juin 2013 au 31 juillet 2014, le requérant se plaint essentiellement d’avoir été expulsé brutalement de son logement le 5 juillet 2013 sans avoir bénéficié du moindre accompagnement social, même à titre transitoire et d’avoir ainsi été placé dans une situation d’extrême précarité. Le requérant indique en effet avoir passé 40 nuits à la rue, seul et sans aucune protection.

106. La Cour constate qu’il ressort du dossier que le requérant, contrairement à ses allégations, n’a pas été brutalement expulsé de l’appartement qu’il occupait au foyer « At Home ». En effet, il a pu continuer d’y résider jusqu’au 5 juillet 2013, alors même que depuis le 4 juin 2013, les autorités françaises n’étaient plus tenues de le protéger en qualité de mineur isolé étranger. En outre, le 5 juillet 2013, une rencontre avec son éducatrice et un représentant du Conseil général a été organisée pour lui expliquer les conséquences de l’arrêt du 4 juin 2013 sur sa prise en charge. A l’issue de cet entretien, son éducatrice a organisé un rendez-vous avec le « 115 », rendez-vous prévu le jour même : le requérant a été conduit au centre d’hébergement d’urgence où il est resté deux nuits.

107. De plus, une poursuite de l’accompagnement sur les autres aspects – notamment médicaux – que le logement a été proposée au requérant et la récupération de ses affaires restées dans le logement qu’il avait partagé avec un mineur a été organisée. Le changement de serrure de l’appartement n’est d’ailleurs intervenu que dans le but de protéger les autres occupants du foyer (voir paragraphe 28 ci-dessus), le requérant ayant refusé de rendre les clefs dont il disposait. Enfin, la Cour note que les services de l’ASE ont formé le 19 juin 2013 une demande d’asile pour le compte du requérant. Certes enregistrée selon la procédure prioritaire, elle a été transmise par les services préfectoraux à l’OFPRA. Le requérant, arguant de sa minorité, n’a pas sollicité le bénéfice des conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile.

108. La Cour relève ensuite qu’entre le 5 juillet 2013 et le 4 novembre 2013, le requérant a sollicité à cinquante huit reprises le « 115 », qui a pris en charge son hébergement durant soixante quinze nuitées, le laissant sans solution durant quarante nuits (voir paragraphe 39 ci-dessus). Concernant cette situation préoccupante, la Cour observe que le requérant n’a pas donné d’élément précis quant à ses conditions effectives de vie pendant cette période (lieux éventuels d’hébergement, possibilité de se laver et de se nourrir, de se soigner). Il a toutefois indiqué qu’en septembre 2013, il avait dormi dans le hall du CHU avant que l’accès ne lui en soit refusé. La Cour retient par ailleurs que, le 9 octobre 2013, le requérant a subi, en se présentant comme majeur, l’opération chirurgicale dont il avait besoin. La Cour remarque en outre que, si à la rentrée du mois de septembre 2013, il a intégré le lycée pour y poursuivre sa formation grâce à l’action d’un réseau associatif, son admission à l’internat a été financée par une subvention exceptionnelle du Conseil régional.

109. La Cour constate que le Gouvernement indique que le requérant n’a plus sollicité le « 115 » à compter du 4 novembre 2013 et qu’il était hébergé sans discontinuité à l’internat. Si le requérant fait valoir que le réseau associatif qui le soutenait ne pouvait pas toujours le loger lors des fermetures de l’internat pendant les week-ends et les vacances scolaires, il apporte toutefois très peu de précisions et d’éléments probants quant à ses conditions de vie pendant ces périodes et ne fournit aucun élément concernant le mois précédant la décision du 31 juillet 2014, date à laquelle, jugé mineur, il a été à nouveau pris en charge en qualité de mineur isolé étranger.

110. Dans ces conditions, même si le requérant est resté sans solution pendant quarante nuits alors qu’il avait la qualité de demandeur d’asile majeur, la Cour conclut qu’il ne saurait être reproché aux autorités françaises d’être restées indifférentes à sa situation. Par ailleurs, hormis pour ces quarante nuits pour lesquelles il ne donne que peu de précisions si ce n’est qu’il en a passé certaines dans le hall du CHU, le requérant n’établit pas ne pas avoir été en mesure de faire face à ses besoins élémentaires (M.S.S c. Belgique et Grèce, précité, § 254, Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, nos 8319/07 et 11449/07, § 283, 28 juin 2011, F.H. c. Grèce, no 78456/11, § 107, 31 juillet 2014 et Amadou c. Grèce, no 37991/11, § 58, 4 février 2016). La Cour constate également que, contrairement à d’autres affaires (voir notamment M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, §§ 254‑263 et Sufi et Elmi c. Royaume-Uni, précité, § 291), le requérant n’était pas dénué de perspective de voir sa situation s’améliorer.

111. Dans ces conditions, au regard de l’ensemble des éléments ci‑dessus, la Cour considère que la situation du requérant pour cette période, même si elle était difficile, ne constituait pas un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

c) La situation du requérant pendant la période où il a été définitivement reconnu mineur jusquà sa majorité

112. Sur la foi du passeport délivré le 15 novembre 2013 par les autorités guinéennes au requérant, le juge des enfants a pris le 31 juillet 2014 une mesure de placement en sa faveur et l’a confié au Conseil général jusqu’à sa majorité, intervenue le 15 octobre 2014. La Cour remarque en outre que le requérant réside régulièrement en France depuis le 20 novembre 2014 et que, diplômé du CAP à la fin de l’année 2014, il est désormais professionnellement intégré (voir paragraphe 44 ci-dessus).

113. La Cour observe que, pour cette période, le requérant ne fait état d’aucun grief. Aussi, dans ces conditions, la situation du requérant ne constituait pas, pour cette période, un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

d) Conclusion

114. Au regard des circonstances propres à chacune des périodes considérées depuis l’arrivée du requérant en France, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.  »

Arrêt disponible au format pdf ci-dessous :

CEDH_M.D._c._France_10102019

Communiqué de presse du Greffier de la Cour disponible ici.